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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/49

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Si Davoud-Pacha avait su rester sur sa victoire de Gazir, le rôle de Caram était fini, bien fini. La bruyante réputation faite par son parti au chef maronite se composait bien moins de souvenirs que d’espérances, d’espérances militaires et politiques dont d’incontestables qualités privées n’étaient point la garantie suffisante. Le peu qu’il avait entrepris jusque-là autorisait même à croire que sa déconvenue de Gazir n’était pas un simple accident, et que décidément il n’avait pas la main heureuse. Ses meilleurs amis, disons le mot, lui accordaient déjà pour spécialité de gâter tout ce qu’il touchait, soit par suite d’idées trop absolues, ce qui équivaut en politique à l’absence d’idées, soit encore et surtout par je ne sais quels manques d’à-propos dont la continuité semblait tenir du parti-pris ou du sortilège. Tantôt on l’avait vu tergiverser et argumenter à ces momens où il n’y a pas une minute, une seconde à perdre pour l’action, comme en 1860, quand, après avoir levé un corps de volontaires chrétiens qui devait et pouvait sauver Zahlé, il s’était arrêté, chemin faisant, à échanger des correspondances avec Beyrout sur la légalité de cette intervention, — à s’armer d’une consultation juridique pour enfoncer une porte derrière laquelle on criait à l’assassin ! — Tantôt au contraire il avait choisi, pour se mettre en avant, juste le moment précis où l’effacement et l’abstention étaient de rigoureux devoir ou de bonne tactique. C’est lui qui, se jetant en travers de la candidature de l’émir Medjid, où Druses et chrétiens se rencontraient comme sur un terrain neutre, vint fournir à la Porte et aux puissances complices ou trompées le prétexte de dire que la France poursuivait une chimère, qu’une candidature indigène, même chrétienne et maronite, divisait jusqu’aux Maronites. Pour avoir voulu constater ses droits partiels sur la maison, il n’arrivait qu’à la faire confisquer. Un peu plus tard, quand Davoud-Pacha, dans le zèle du début, démontrait si bien que, pour résoudre d’emblée le problème de la pacification, il suffisait de mettre à l’écart les idées turques et les soldats turcs, c’est encore Youssef Caram qui avait failli épargner à la politique ottomane cette implicite condamnation dont jamais elle ne se relèvera. Si la nouvelle administration n’avait point été, dès 1862, mise en demeure de recourir à l’occupation ottomane, il fallait en rendre grâces à Fuad-Pacha lui-même, qui, redoutant un succès trop