Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 93.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapport entre la dette et le revenu a baissé des trois quarts. Malheureusement ce n’est pas tout. Nous allons ajouter aux charges que nous a léguées le deuxième empire celles qui résultent de la dernière guerre, et qui sont encore l’œuvre de ce gouvernement. Si on en croit l’auteur anglais, après la liquidation de tous les frais de cette guerre, notre dette s’élèvera en capital à 25 ou 27 milliards, et en intérêts à 1 milliard. Ces chiffres sont peut-être un peu exagérés, et on pourrait en rabattre ; mais ce qu’on en diminuerait les laisserait toujours à un total assez haut pour nous autoriser à dire que notre dette publique va être la plus forte de toutes celles qui ont jamais existé dans le monde, et que, rapprochée de notre population et de notre revenu, lorsque celui-ci aura repris son essor accoutumé, elle atteindra des proportions tout à fait inconnues.

La conclusion à tirer de ce livre, c’est que la France doit suivre une politique différente de celle qui l’a guidée jusqu’à ce jour : elle ne peut pas toujours emprunter sans jamais rembourser. L’auteur explique parfaitement pourquoi les mauvais gouvernemens, plus soucieux du présent que de l’avenir, sont si empressés de recourir à l’emprunt. « Avec l’intérêt d’un emprunt, dit-il, on se procure un capital vingt fois plus fort que celui que l’on doit payer annuellement ; par conséquent la faculté d’emprunter est vingt fois plus étendue que celle de taxer. » Pour la France la mesure est comble : notre pays est arrivé à l’extrême limite où tout ce qui augmenterait sa dette à perpétuité serait un gros péril pour l’avenir et un échec à sa prospérité future. Il ne faut pas oublier qu’au milieu de la concurrence générale qui existe pour le commerce et l’industrie, la victoire appartient à celui qui produit au meilleur compte ; or, quand on a des charges aussi considérables que les nôtres, si on les rend perpétuelles, on se condamne à rester dans une infériorité constante vis-à-vis des autres nations. On est obligé de maintenir des taxes très lourdes, qui élèvent d’autant le prix de la main-d’œuvre, indépendamment d’autres inconvéniens. La Hollande nous fournit sous ce rapport un exemple qu’on ne doit pas perdre de vue : elle a vu fuir ses capitaux et ses habitans pour avoir été dans la nécessité de les trop taxer. Sans doute on ne peut pas éviter des taxes supplémentaires lorsqu’on a beaucoup à payer, nous avons été nous-même le premier à les recommander ; mais il faut les combiner de façon qu’elles servent à nous libérer en même temps qu’à remplir nos engagemens annuels, ce qui écarte toute idée de création de rentes perpétuelles.

V. Bonnet

.


C. Buloz.