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et de leurs biens l’union proclamée dans la Hartmatte ; la peine de mort fut prononcée contre celui qui manquerait à sa foi.

Josse Fritz et ses adhérens décidèrent qu’on demanderait à l’empereur de se mettre à la tête de la ligue. En cas de refus, on devait se tourner du côté des Suisses, que l’on supposait disposés à seconder l’entreprise. C’était en effet le voisinage de la libre Helvétie qui avait contribué à développer dans le Brisgau les idées d’émancipation et de révolte qui se faisaient alors jour. Des émissaires passaient souvent des terres de l’empire dans les cantons suisses, où les agitateurs allemands trouvaient un refuge contre les poursuites auxquelles ils étaient exposés. L’indépendance de ces cantons faisait envie aux paysans de la Souabe et de l’Alsace, et s’offrait comme modèle à leur imitation. Le mouvement du Bundschuh du Brisgau gagna les évêchés du Bas-Rhin et y réveilla les germes de rébellion imparfaitement étouffés. Des ligues insurrectionnelles se formèrent dans les villages du margraviat de Bade et de l’Alsace (Dorfschaften). Des troubles éclatèrent à Spire, à Worms, à Cologne. L’oppression que faisait peser sur ses sujets le fameux duc Ulrich de Wurtemberg provoqua dans la Souabe en 1514 une sorte de jacquerie, qui s’étendit les années suivantes dans l’évêché d’Augsbourg et prit les proportions d’un soulèvement général de la population rurale contre les seigneurs. L’agitation gagna la Carinthie ; il fallut faire marcher des troupes contre les paysans, qui furent dispersés au nombre de 2,000. En 1517, la révolte se communiquait à la Marche l’indique, où les gens des campagnes, exaspérés par l’établissement de nouveaux impôts, saccagèrent les châteaux, en massacrèrent les seigneurs et les habitans, dévastèrent les couvens, et ne furent arrêtés que par la petite armée de Siegmund de Dietrichstein, qui leur fit cruellement expier ces excès. Dans le Wurtemberg, les paysans s’étaient organisés en une association qui fut connue sous le sobriquet de Pauvre Conrad (Der arme Kunz), du nom d’un paysan de Schorndorf qui avait été le fondateur d’une gilde ou corporation d’où l’association prit naissance. La gilde du Pauvre Conrad consista d’abord en une société de gais compagnons qui se réunissaient dans les tavernes pour deviser et plaisanter inter pocula sur les nouvelles du jour. Les mesures vexatoires imposées par le duc Ulrich, qui avait frappé le vin de nouveaux droits et altéré les poids et les mesures, devinrent naturellement l’objet des gausseries de ces joyeux compères. Tout en buvant, on s’entendit pour résister aux abus de l’autorité ducale, et les réunions prirent peu à peu un caractère politique. Elles devinrent de véritables meetings. Du Wurtemberg, l’agitation s’étendit en Alsace, où les paysans se montraient hostiles au clergé et