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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/390

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les paysans se trouvant au nombre de 20 à 30,000, le succès ne paraissait pas douteux. Les prédicans échauffaient d’ailleurs le zèle dans des discours dont l’effet ne fut que faiblement combattu par la lettre amicale et conciliante qu’adressa aux insurgés l’électeur palatin. Les exaltés du parti rebelle prétendaient que la lettre n’était qu’une ruse de leurs ennemis pour gagner du temps et permettre à de nouvelles troupes de venir délivrer la garnison. Le château fut donc attaqué ; on donna l’assaut, qui deux fois fut repoussé avec une telle perte du côté des assaillans, qu’ils furent contraints de demander une suspension d’armes afin d’enterrer leurs morts. Les chefs ne purent pousser leurs hommes à une troisième tentative qu’en leur promettant le pillage du trésor épiscopal et de toutes les richesses que le clergé et la noblesse avaient mises en sûreté à Liebfrauenberg. Cet assaut ne fut pas plus heureux que les précédens. Götz de Berlichingen ouvrit alors l’avis d’envoyer à la garnison des parlementaires pour proposer des conditions de capitulation. On l’accusa d’être d’intelligence avec l’ennemi. L’artillerie des assiégeans était insuffisante pour répondre au feu violent de la place. On fit venir un fondeur de Wurzbourg avec mission de fabriquer de nouveaux canons ; mais celui-ci ne s’était pas plus tôt mis à l’œuvre que parurent les troupes réunies de l’électeur palatin et de la ligue de Souabe.

Pendant le siège du château, le conseil des paysans siégeant à Wurzbourg s’était constitué en une sorte de convention. Il décida que des commissaires seraient envoyés aux différentes armées insurgées de la Souabe, du Rhin et de l’Alsace pour diriger les opérations, lui en rendre compte et hâter l’œuvre de la délivrance. Afin de faciliter l’action combinée des forces insurrectionnelles, le même conseil institua une conférence générale des paysans, qui se tint à Heilbronn et où fut député Wendel Hippler. C’est celui-ci qui fit adopter à Wurzbourg toute une série de résolutions destinées à la fois à servir de règlement à ces conférences, à maintenir l’étroite union des diverses populations révoltées et à fournir les bases de la constitution et des réformes qu’on demandait à l’empire. Ce programme, qui nous a été conservé et qui comprend de nombreux articles, dénote chez son auteur un remarquable esprit d’organisation et un sens pratique qui manquait à la plupart des membres du même conseil. Les changemens réclamés par Wendel Hippler étaient sans doute assez radicaux, mais ils n’impliquaient pas la destruction du régime politique de l’Allemagne, encore moins un bouleversement de la société. Il y eut même dans le conseil des paysans des propositions plus conciliantes à certains égards ; toutes tendaient pourtant à l’abolition des droits souverains de la noblesse et du