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la loi tant que chacun des concurrens n’était point obligé de l’exécuter ponctuellement ; maintenant la règle étant la même pour tous, on ne trouve plus de récalcitrans. « Ce qui fait que la loi s’applique, disait un fabricant à un fonctionnaire français chargé d’une enquête sur le système anglais, c’est monsieur, — et il montrait le sous-inspecteur du district ; — sans lui, rien ne marcherait[1]. » Les Anglais ont si bien compris l’utilité de l’inspection, qu’ils lui consacrent actuellement un budget annuel de plus de 700,000 francs. En ce moment, on parle d’ajouter de nouvelles clauses protectrices à la loi et d’augmenter le nombre des inspecteurs.

En Prusse également, plusieurs lois successives ont eu pour objet de réglementer le travail des enfans dans les fabriques. La première remonte à 1837 ; on en fit une nouvelle en 1853. Récemment, le code industriel de la confédération du nord de l’Allemagne a définitivement réglé la matière (1869). La nouvelle législation va encore plus loin que celle de l’Angleterre ; elle établit que les enfans au-dessous de douze ans ne peuvent pas être occupés régulièrement dans les fabriques. Jusqu’à quatorze ans, ils travaillent au maximum six heures par jour ; ils doivent assister à l’école au moins pendant trois heures. De quatorze à seize ans, la journée ne peut pas dépasser dix heures. Les heures de travail doivent être comprises entre cinq heures et demie du matin et huit heures et demie du soir. Un repos d’une demi-heure dans la matinée et d’une heure dans l’après-midi est obligatoire, et pendant ce temps les enfans doivent faire de l’exercice en plein air. La police est partout chargée de veiller à l’exécution de la loi.

Les autres principaux pays de l’Europe ont adopté des dispositions diverses ; mais dans tous la loi protège et réglemente le travail des enfans. Il en est ainsi en Autriche, dans les petits états de l’Allemagne, en Suède, en Suisse, où l’âge d’admission est dans certaines industries reculé jusqu’à treize et même à quatorze ans. Après de longues discussions et une vaste enquête parlementaire, le gouvernement belge prépare un nouveau projet de loi très complet, d’après lequel le travail des enfans serait réglementé depuis dix jusqu’à dix-huit ans.


II

Revenons à la France. En 1837, lorsque le gouvernement et les chambres commencèrent à s’occuper de la condition des enfans

  1. Voyez les Bulletins de la Société de protection des apprentis et aussi Jules Simon, l’Ouvrier de huit ans, ch. III.