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propres à empêcher les obstructions. Sur les bords du fleuve et de plusieurs autres cours d’eau s’élèvent les villages et les hameaux des premiers personnages de la contrée ; les Européens qui se sont établis à Madagascar depuis le commencement du XVIe siècle sont disséminés dans cette région. Le pays, environné de hautes montagnes, rempli de petites collines et de prairies fertiles, est très agréable. La population est fort mélangée, les classes sont nombreuses ; les principaux personnages sont les Rohandrians, dont on parle dans toutes les histoires concernant Madagascar, c’est-à-dire les nobles, qui ont une origine asiatique : parmi eux, on choisit les rois. Viennent ensuite les fils d’un noble et d’une femme noire ou métis, puis les nègres, qui se partagent en quatre groupes distincts. Les privilégiés fournissent des chefs dans les localités où il n’existe pas de nobles, et ils se regardent comme les descendans des premiers maîtres du pays. En continuant le chemin, on rencontre une anse qui reçoit les eaux de la rivière Itapérine, un assez bon mouillage, si l’entrée n’était trop bien défendue par des roches. Dans une autre crique, on remarque, à l’embouchure de la Manafiafa, l’ilôt Sainte-Luce, dont s’était emparée la première expédition française abordant à Madagascar. Le choix était motivé par la sûreté d’une station isolée, par un excellent mouillage, par un fleuve navigable pour des chaloupes. Après avoir traversé plusieurs cours d’eau encombrés de roches, on atteint, sous le tropique du capricorne, les bords de la Manantena, une large rivière pleine d’écueils, qui descend, assure-t-on, des mêmes montagnes que la Fantsaïra et arrose la vallée d’Amboule. Ici, l’aspect des lieux charme les voyageurs les plus indifférens : de vastes étangs et de petites îles réjouissent la vue, la terre est fertile, les ignames croissent à profusion et prospèrent à merveille, les pâturages nourrissent de magnifiques troupeaux. Dans cette heureuse vallée, l’industrie a sa part ; on fabrique de l’huile de sésame, et, le minerai de fer se trouvant en abondance dans le voisinage, c’est là que se forgent les plus belles sagaies. Une source d’eau chaude fort remarquée jaillit tout près du grand village d’Amboule, à quelques mètres d’une petite rivière ; l’eau courante est froide et le sable du fond si chaud qu’on ne saurait y tenir les pieds. Aux yeux des étrangers comme des indigènes, une pareille source doit nécessairement avoir la propriété de guérir une foule de maladies. A l’époque des excursions de nos Français, le pays est gouverné par un noir qui est le plus ancien parmi les grands de la vallée. En passant, Flacourt, notre guide, désigne le côté de l’ouest et nous dit : Parmi les Malgaches, les habitans de cette région sont les plus hardis et les plus vaillans.

En continuant vers le nord, on arrive sur un territoire très