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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/544

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les fermes, acts against pulling down of tounes. Sous Henry VIII, les plaintes deviennent générales. Les écrivains, les prédicateurs, dénoncent le mal ; une loi est faite pour défendre « d’avoir plus de 2,000 moutons, à moins qu’on ne les nourrisse sur ses propres terres. » Certains propriétaires en ont 25,000 et davantage. En 1549 éclate une formidable insurrection de paysans, suivie d’autres moins sérieuses, qui toutes ont pour objet d’abattre les clôtures ou les haies et de rendre la terre à la charrue. Le pays est dépeuplé, dit Scory, évêque de Rochester en 1551, et la population des campagnes « sera bientôt semblable aux paysans et aux serfs français plutôt qu’à l’ancienne et riche yeomanry d’Angleterre. » Le parlement ordonna une enquête sur les évictions illégales ; mais comment les cultivateurs auraient-ils pu établir leurs droits ? Les documens reposaient tous dans le manoir ; d’ailleurs la coutume était souvent leur seul titre, et ils ne pouvaient l’établir, surtout contre ce principe, généralement admis dans la théorie féodale, que le domaine éminent appartenait au seigneur. C’est en raison du même principe que les landlords écossais ont exécuté ces évictions sur une grande échelle qui ont tant indigné Sismondi, et qui ont substitué des moutons aux clans de highlanders jadis propriétaires souverains de la contrée. Aujourd’hui, tandis que les idées d’égalité se répandent et que le droit de voter se généralise, la grande propriété continue ses conquêtes, et l’inégalité devient plus grande et plus visible.

L’histoire de la propriété en Chine et à Rome est très semblable à celle que nous venons d’esquisser pour l’Angleterre. Les plus anciennes chroniques de la Chine nous représentent ce pays comme déjà arrivé au régime agricole ; mais la propriété privée ne s’appliquait pas à la terre. Celle-ci était partagée entre tous ceux qui étaient capables de la cultiver, c’est-à-dire entre les habitans de l’âge de vingt à soixante ans. Chaque vallée s’administrait d’une façon indépendante et choisissait ses chefs ; le souverain était également élu. On leur assignait certaines terres, dont le produit leur permettait de vivre selon leurs dignités. C’est, on le voit, exactement le régime de la marche germanique. A partir de l’an 2205 avant Jésus-Christ, l’empire devint héréditaire[1]. Les chefs de province usurpèrent aussi l’hérédité. Les souverains concédèrent des fiefs, et les seigneurs en concédèrent à leur tour moyennant certaines redevances. Ainsi s’établit la féodalité ; seulement la propriété exploitée par les paysans continuait à être partagée entre les familles proportionnellement au nombre de bras dont chacune disposait. Dans le

  1. Nous empruntons ces détails à un extrait des mémoires de la mission ecclésiastique russe à Pékin, fait par M. J. Sacharof.