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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/553

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commerce des machines se laisse influencer, — qui le croirait ? — par la mode. Ainsi la disposition horizontale du cylindre est depuis quelques années l’objet d’un engouement peut-être excessif, car les cylindres verticaux ont pour eux l’avantage d’une expérience séculaire, que rien ne peut remplacer en pareille matière. Au moment de choisir pour son usine un organe de telle importance, tout industriel doit grandement redouter les inventions mal éprouvées ; que fait-il ? Il va chez un constructeur de mérite reconnu, et celui-ci recommande le modèle qu’il a le mieux étudié, dont il s’est fait en quelque sorte une spécialité, bien que ce ne soit pas toujours celui qui convient à l’usage que l’acheteur a en vue.

Peut-être le progrès, en ce qui concerne les chaudières, a-t-il été plus sensible que pour le mécanisme proprement dit. C’est dans la chaudière que gît le danger d’une machine à vapeur, et les causes d’explosion sont, nous le montrerons plus loin, d’une nature très complexe. Une étude approfondie des phénomènes physiques mis en jeu par réchauffement des parois métalliques et des réactions chimiques auxquelles est soumise l’eau en ébullition a plus fait pour la sécurité que les perfectionnemens introduits dans les procédés industriels de fabrication. La forme même de la chaudière des machines fixes a du reste peu varié depuis Watt ; le modèle simple qui porte le nom de Woolf (un cylindre de grosse dimension accompagné de deux bouilleurs de moindre diamètre) est encore le plus souvent adopté dans les machines tout à fait fixes des grandes usines, où l’on ne se préoccupe guère d’économiser la place ; mais les constructeurs ont su faire les chaudières plus résistantes sans exagérer l’épaisseur du métal, et ils se sont efforcés, par des dispositions très variées, de prévenir les incrustations que déposent à l’intérieur les eaux de mauvaise qualité. Les incrustations sont en effet l’une des plus fréquentes causes d’explosion. On peut citer en ce genre, parmi les inventions les plus modernes, la chaudière Field, dans laquelle des tubes concentriques établissent un courant intérieur d’une énergie telle que les dépôts n’ont pas le temps de se fixer, et qui de plus fournit, moins d’un quart d’heure après l’allumage, de la vapeur sous pression utile. Un autre fait digne d’être noté est l’abandon presque général des machines à basse pression, c’est-à-dire fonctionnant avec une pression intérieure de deux atmosphères au plus. On s’imaginait dans le principe que plus la pression est élevée dans la chaudière et plus le danger d’explosion est grand. C’est le contraire qui est vrai, car, lorsqu’une chaudière est construite pour deux atmosphères seulement, le fabricant se persuade volontiers qu’elle sera toujours assez résistante : il arrive alors qu’une surcharge accidentelle, due à l’imprudence du