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s’occupe de ses affaires sans elle ou contre elle. M. de Bismarck pourrait le vouloir, il pourrait essayer d’évoquer, les vieux fantômes ; il s’est créé, il a créé à l’Allemagne victorieuse et impitoyable des fatalités particulières, ne fût-ce que cette fatalité obsédante d’être sans cesse en éveil, d’avoir toujours à se tenir en garde ou à s’inquiéter des moindres signes de résurrection qui peuvent se manifester parmi nous ; mais en quoi la Russie et l’Autriche seraient-elles intéressées à suivre la Prusse dans cette politique ? Est-ce que leur intérêt n’est point au contraire que la France se relève et se raffermisse, qu’elle reprenne le plus promptement possible son rang et son influence, de façon à redevenir une alliée utile ? Est-ce qu’elles peuvent oublier qu’elles ont, elles aussi, des points de contact douloureux avec l’Allemagne, qu’elles possèdent des provinces bien autrement allemandes que l’Alsace et la Lorraine, qui nous ont été prises ? Est-ce qu’entre tous ces princes et ces diplomates qui vont se réunir, il n’y a pas des souvenirs, des griefs mal dissimulés, des intérêts opposés ou divergens, qui éclateraient le jour où l’on voudrait serrer de trop près toutes ces questions d’alliances ? On peut sans doute s’arranger pour vivre en paix dans la situation précaire qui a été faite à l’Europe. Une coalition, une reconstitution de l’alliance du nord dans les conditions actuelles, ce serait l’asservissement de la Russie et de l’Autriche à l’Allemagne. Ce n’est point là probablement ce que l’empereur Alexandre et l’empereur François-Joseph vont négocier à Berlin. La France peut donc se tenir tranquille et laisser passer tous ces mouvemens diplomatiques qui, après tout, ressemblent. un peu trop à de l’ostentation pour avoir un caractère bien sérieux. Sa force à elle aujourd’hui est dans son travail, dans ses efforts de réorganisation, dans l’esprit de conduite qu’elle saura garder, C’est là sa plus sûre défense, c’est par là qu’elle retrouvera des alliés et qu’elle se refera une situation diplomatique à la mesure de la sécurité, de la force intérieure qu’elle aura su reconquérir.

Le parlement d’Angleterre vient à son tour de prendre ses vacances après une longue et laborieuse session. Un discours de la reine a clos les travaux des chambres en résumant tout ce qui a été fait depuis quelques, mois. Au point de vue législatif, le parlement a certes voté un grand nombre de mesures d’un ordre tout intérieur, tout pratique, et une des principales de ces mesures est l’établissement du scrutin secret dans les élections. Politiquement, la situation n’a point changé d’une manière sensible et reste à peu près ce qu’elle était. Il y a seulement un fait caractéristique, c’est que le ministère de M. Gladstone s’est visiblement raffermi depuis quelque temps. Au commencement de la session, il semblait un instant très menacé, il était l’objet des plus vives attaques, il perdait de jour en jour du terrain, et plus d’une fois il a été sur le point de voir la majorité lui échapper. Aujourd’hui il a repris de la force, et au moment où le parlement se sépare, il reste maître de la situation. Le dénoûment favorable de la question de l’Alabama n’a pas