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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/183

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deux murailles. Au loin, on entend déjà le bruit de la cascade dont l’écume blanchâtre frappe le regard ; le sentier taillé dans le roc vous y conduit à travers mille détours, suspendu sur l’abîme en dessus et en dessous de masses de porphyre et de trachytes à moitié en équilibre et qui menacent de vous écraser. C’est la célèbre gorge de l’lnfernillo, la plus belle peut-être, en tout cas la plus saisissante de toute la Cordillère. Le Rimac, large environ de 40 mètres, s’y précipite du haut d’une cascade de 50 mètres et poursuit impétueusement son cours au milieu des rochers.

Conduire un chemin de fer à travers un semblable défilé, c’était chose impossible ; fort heureusement les larges versans de la quebrada du Parac ont permis de gagner une hauteur considérable, et c’est au moyen d’un tunnel que la voie aborde l’obstacle et se lance sur la rivière, qu’elle domine verticalement sur un pont à 60 mètres de haut, puis elle rentre de nouveau sous terre et réapparaît à une distance considérable, continuant toujours son interminable ascension. Après un petit détour sur la rive droite, elle rencontre bientôt la quebrada du Rio Rlanco, dont elle contourne quelque temps les deux rives, et parvient à Chicla après avoir croisé de nouveau le Rimac sur un beau viaduc de 100 mètres de long, élevé de 80 mètres. Cette région est assez riche en minerais de différente nature et ressemble en cela du reste aux autres points que va parcourir la ligne jusquà la Oroya ; l’exploitation de ces richesses, aujourd’hui en souffrance, ne devra pas tarder à se relever dès qu’une voie ferrée procurera de faciles moyens de transport.

Les principales difficultés du tracé sont maintenant vaincues, et le reste du trajet jusqu’à la cime ne présente plus que des obstacles de moindre importance. La vallée est assez large ; toutefois, comme la pente y excède toujours le 4 pour 100 réglementaire, trois détours ont encore été nécessaires, le premier à Bella-Vista, village minéral voisin de Chicla, l’autre plus petit au hameau de Casapalca, le troisième enfin, plus long que les autres, puisqu’il mesure 7 kilomètres, dans la quebrada de Chinchan. Au sortir de ce défilé, les montagnes ont pris un aspect plus grandiose, tout est morne et triste ; le Rimac n’est plus alors le torrent impétueux que nous voyions tout à l’heure, c’est un misérable ruisseau dont les divers filets découlent silencieusement des hauteurs environnantes ; au fond de la vallée apparaît la cime avec ses pics éblouissans de neige, mais les yeux peuvent à peine en supporter la lumière, la respiration devient haletante ; mules et cavaliers ne cheminent plus que lentement, vivement incommodés par les effets de la raréfaction de l’air. À gauche, sur l’escarpement de la montagne, la ligne se voit toujours, à une hauteur considérable, tantôt taillée dans le rocher,