Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quement, en 1870, on ne pouvait compter sur rien, pas même sur une neutralité impossible entre la Prusse, armée de ses traités, et la France, qui engageait malheureusement la lutte sur le terrain le plus dangereux.

Les dispositions les plus favorables, si elles existaient, ne pouvaient se produire que dans des conditions nouvelles, déterminées par la marche des hostilités. Une année auparavant, en 1869, un des souverains du sud les mieux portés pour nous, confiant à un personnage français ses griefs, ses espérances, ses craintes, avait dit le mot de toute la situation dans le présent et dans l’avenir : « Pourquoi donc l’empereur nous a-t-il abandonnés aux Prussiens ? Comment a-t-il toléré la formation de cette confédération du nord, qui est une menace perpétuelle contre la France et contre l’Europe ? Il y a longtemps que la Prusse rêvait tout cela, et elle ne s’arrêtera pas en si bon chemin : ses vues ambitieuses vont plus loin. J’espère bien qu’elle n’est pas près de les réaliser, nous tâcherons de les faire échouer ; mais il faut que vous nous souteniez… Rappelez-vous bien ce que je vais vous dire, et répétez-le à votre empereur. Qu’il fasse en sorte, le jour où il voudra commencer la guerre, de pouvoir passer immédiatement sur la rive droite du Rhin. Le plus léger succès déterminera tous les états du sud à marcher avec vous. Si au contraire vous hésitez, si vous laissez à la Prusse l’avantage de l’offensive, comme c’est arrivé en 1866, soyez-en sûr, vous êtes perdus, car nous serons tous obligés de marcher avec la Prusse, et une fois engagés, nous ne pourrons plus nous arrêter. Alors vous succomberez fatalement sous le nombre. »

C’était le mot trop cruellement vrai de la situation au mois de juillet 1870, de telle sorte qu’ici encore, et pour l’Allemagne du sud bien plus que pour l’Autriche, tout revenait à une question unique, souveraine, la question des forces militaires sur lesquelles on pouvait s’appuyer pour ouvrir victorieusement la campagne. Déclarer la guerre sans avoir un concours assuré, avec l’Angleterre froide et sévère, la Russie engagée avec Berlin, le Danemark attendant un négociateur français, l’Autriche et l’Italie commençant par la neutralité, l’Allemagne du sud livrée pour le moment à la prépondérance prussienne, si ce n’est pas là ce qu’on peut appeler l’isolement de la France, qu’est-ce donc ? On n’eût point été isolé, dit-on naïvement, si on avait été heureux. Oh ! sûrement, si on eût débuté par d’éclatans succès, si on avait franchi le Rhin, si on eût été en pleine marche sur Munich, on n’aurait point été seul, on aurait trouvé bien des concours et pu signer bien des traités de la pointe de l’épée victorieuse. Cela veut dire tout simplement que les alliances dont on avait besoin, qu’on promettait trop, on était réduit à les conquérir, avec la chance de les avoir lorsqu’elles ne seraient