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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/418

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pure grâce, sans qu’ils y fussent tenus autrement qu’en grâce. » Malgré cette concession, les contemporains de Philippe le Bel, victimes d’une fiscalité oppressive, n’ont eu pour sa mémoire que des malédictions, et la postérité s’est faite l’écho de leurs murmures. Pourtant, lorsqu’on cherche à pénétrer dans le détail des faits, on reconnaît que l’avarice et la cupidité n’étaient pas les seuls mobiles qui le faisaient agir. Créer le budget de l’état par des impôts généraux et permanens, soumettre à ces impôts tous les sujets du royaume et faire pénétrer dans la société féodale le principe de l’égalité devant les charges publiques, tel était en définitive le but que Philippe se proposait d’atteindre ; par malheur, en même temps qu’il portait dans cette grande entreprise le sentiment profond de la politique de l’avenir, il y portait aussi les instincts malfaisans du despotisme. Son œuvre fut tout à la fois une œuvre de justice et de violence, et la violence, qui ne se pardonne jamais, a fait méconnaître ce qu’il y avait de sage et d’équitable dans la réaction qu’il a tentée, au nom de la puissance du royaume et de l’intérêt général, contre les privilégiés de la naissance, de la force et de la théocratie.

Durant la période qui s’étend de la mort de Philippe le Bel à la seconde moitié du règne de Charles VII (1314-1439), les ressources de la monarchie se composent des mêmes élémens que sous Philippe le Bel, c’est-à-dire des impôts généraux, des revenus du domaine et des expédiens financiers connus plus tard sous le nom d’affaires extraordinaires. Les impôts généraux sont directs ou indirects ; parmi les premiers figurent le fouage, le dixième, le vingtième et les tailles, qui, perçues d’abord comme redevances seigneuriales dans les fiefs de la couronne, s’étendent peu à peu comme impôt royal sur une grande partie du territoire ; parmi les seconds figurent les douanes ou traites foraines, la gabelle du sel, les taxes sur les achats, les ventes, les salaires, les boissons et les denrées alimentaires. À l’exception de la gabelle du sel, des traites foraines et de quelques taxes sur les boissons, dont la permanence est établie dès la première moitié du xive siècle, les autres contributions générales ne sont perçues qu’à titre temporaire, pour un an, deux ans, cinq ans au plus. Le fouage seul est perçu pendant douze ans sous le règne de Charles {{rom-maj|V|5}). Les revenus du domaine s’augmentent d’un certain nombre de droits, tels que l’aubaine, les épaves, la bâtardise, la mainmorte, le monnayage, que les rois enlèvent aux seigneurs pour les réunir à la couronne en les déclarant droits royaux, ou en les rachetant à prix d’argent. Toutefois le produit de ces droits est très aléatoire, et, tandis que le domaine s’enrichit d’un côté, il s’appauvrit de l’autre par les engagemens contractés pour