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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/464

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officielle ; mais à la veille de Noël le commandant de l’Orénoque, accompagné d’une partie de son équipage, dit-on, se serait rendu au Vatican, où il aurait été reçu en « audience privée. » Est-ce une interprétation élastique et subtile des instructions officielles ? Le même acte de courtoisie « privée » a-t-il été accompli à l’égard du roi ? Le commandant du navire français a-t-il agi d’accord avec l’ambassadeur ? A-t-il reçu une autorisation particulière de Paris ? Naturellement le fait a été commenté, et la question de l’Orénoque, oubliée depuis l’an dernier, a reparu. Certes il n’y a pas là de quoi élever un nuage entre la France et l’Italie. Le gouvernement italien ne peut songer à s’inquiéter et ne s’inquiète pas de la présence de l’Orénoque, qui n’est nullement une contestation de ses droits, qui est bien plutôt aux yeux du monde la preuve palpable que le pape est libre, qu’il demeure librement à Rome, puisqu’il pourrait partir, s’il le voulait. Est-ce là pourtant un fait régulier et même complétement digne de la France ? Voilà un navire stationnant dans les eaux du royaume d’Italie reconnu par nous, et ne relevant pas même de notre légation auprès du souverain italien. Le commandant français va chez le pape, il ne va pas chez le roi et il ne reçoit d’ordres que de notre ambassadeur auprès du saint-siége. S’il y avait quelque difficulté, comment procéderait-on ? Il n’y aurait pas d’issue, et c’est ainsi que des situations fausses naissent les incidens que les passions exploitent, que les journaux grossissent en les dénaturant, qui ne font qu’entretenir les espérances de ceux qui en sont toujours à rêver de vaines protestations et de restaurations désormais impossibles.

Le gouvernement est maintenant le premier, dit-on, à reconnaître le danger de ces incohérences, à comprendre la nécessité supérieure de replacer les relations de la France et de l’Italie dans les conditions de simple et cordiale intimité où elles doivent être. Il s’est montré sensible au retour de M. Nigra à Paris, aux manifestations de sympathie qui se sont produites récemment à Rome, auxquelles le prince Humbert s’est associé, et M. le duc Decazes serait particulièrement décidé, assure-t-on toujours, à ne plus laisser subsister les équivoques. Si le marquis de Noailles n’est pas encore à Rome, ce serait par des raisons toutes personnelles qui ont retardé son départ de Washington et qui n’ont aucun caractère politique. Rien de mieux. La manière la plus efficace de rétablir une situation qui n’aurait dû jamais être altérée, et qui après tout ne l’est pas d’une façon sérieuse, c’est de faire disparaître tout ce qui peut être une occasion de tiraillemens et d’incidens, de définir par exemple le rôle de cette double représentation française qui est à Rome. Chose étrange, à peine croyable, nous avons à Rome deux ambassades qui ne se connaissent pas, qui restent le plus souvent étrangères l’une à l’autre, qui ne se touchent pour ainsi dire que pour se quereller, pour créer des conflits et des difficultés. Il y a eu des momens depuis trois ans où le personnel de l’ambassade auprès du saint-siége se