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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/67

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tin ni moderne. Voilà donc quinze cents ans que la colline d’Ilion est une solitude. Un homme et une femme sont venus y camper il y a trois ans, et ont remis au jour un passé qui semble se perdre dans la nuit des temps.

III.

Par les objets trouvés dans les ruines, ce passé sera-t-il éclairé de quelque lumière ? Si c’est bien là l’Ilion d’Homère, saurons-nous quelque chose de positif sur sa civilisation, sur la race et la langue des hommes qui l’habitaient ? ou bien continuerons-nous de n’avoir pour tout document sur ces âges héroïques que les rhapsodies de l’Iliade, les traditions recueillies et embellies par les poètes et les élucubrations savantes des Alexandrins ? Pourrons-nous rattacher les hommes de ce temps et leur industrie à d’autres que nous connaissions déjà ? Enfin l’époque approximative où vivait cet ancien peuple ressortira-t-elle des témoignages que la terre vient de nous livrer ?

Le nombre des objets recueillis par M. Schliemann dans les couches inférieures d’Hissarlik dépasse vingt mille. Le lecteur sans doute ne s’attend pas ici à la description détaillée de ces objets, dont beaucoup d’ailleurs se répètent un grand nombre de fois ; je dois cependant essayer d’en donner une idée générale en les classant par groupes suivant leur nature ou leurs usages. Les matériaux que les hommes d’alors avaient sous les mains n’étaient pas nombreux, et les forces naturelles dont ils disposaient se réduisaient à peu de chose. Sans compter le bois et les matières textiles, qui ont presque totalement disparu, l’argile, la pierre et quelques métaux, voilà les matériaux de ce qu’ils nous ont laissé ; il faut cependant y ajouter l’os, la corne et le cristal de roche, dont ils ont su tirer parti ainsi que de la peau et du poil des animaux. Leurs instrumens étaient fort rudimentaires, leur main faisait à elle seule presque tout l’ouvrage ; l’immense majorité de leurs outils était en pierre dure, un très-petit nombre sont en métal, quelques-uns en os. Les machines tournantes leur faisaient défaut : leurs moulins sont là tout entiers ; ces meules ne tournaient pas ; presque toutes les poteries sont modelées à la main, quelques-unes cependant portent la trace du tour, mais sont souvent moins bien exécutées que les autres. Si ces petites masses de terre cuite, en forme de cône double et percées d’un trou vertical, que l’on connaît sous le nom arbitraire de fusaïoles, ont été des pesons de fuseau, celui-ci était certainement la machine tournante la plus employée à Hissarlik, car M. Schliemann en a rapporté plusieurs milliers et y en a