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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/793

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La géologie témoigne encore des apports du Rhône dans la région des marais salans qui séparent Montpellier de la mer. On trouve sur la plage des cailloux roulés formés des débris des serpentines et des variolites, roches dures et d’un beau vert, caractéristiques du mont Genèvre, où la Durance prend sa source. Sous nos yeux, elle les charrie jusqu’au Rhône, qu’elle rejoint au-dessous d’Avignon. Autrefois l’embouchure était plus bas, très près d’Arles, ou plutôt, de même qu’il y a plusieurs Rhônes, il y avait plusieurs Durances. L’une d’elles coulait entre le petit groupe de collines appelé la Montagnette, au sud d’Avignon, et les Alpines. La roubine des Lônes et le canal du Viguierat, qui se continue avec celui d’Arles à Bouc, dessinent approximativement le cours de cette Durance : elle était navigable ; ce qui le prouve, c’est une inscription tumulaire trouvée à Saint-Gabriel, village situé à l’angle occidental des Alpines. Saint-Gabriel est l’Ernaginum des Romains, et l’inscription funéraire est consacrée à la mémoire d’un certain Fronton, curateur des marins de la Durance et du corps des utriculaires l’Ernaginum. Le lit de la Durance était semé alors comme aujourd’hui de bas-fonds, et on naviguait sur cette rivière avec des bateaux ou des radeaux allégés par des outres gonflées d’air[1]. Le nom d’utriculaires s’applique soit aux fabricans d’outres d’Ernaginum, soit à ceux qui s’en servaient. Si l’on considère une carte de France, on voit clairement que la direction de cette Durance était telle que dans ses grandes crues les eaux de cette rivière torrentielle devaient se jeter vers l’ouest dans les étangs au sud de Montpellier et y entraîner les cailloux roulés originaires des Alpes françaises, qu’on y recueille en abondance. Sous François Ier, le petit Rhône fut détourné d’Aigues-Mortes, dont il ensablait le port, et on lui ouvrit vers 1552 un passage entre le petit Rhône, qui débouche aux Saintes-Maries, et l’ancien lit. La branche d’Aigues-Mortes s’éteignit et fut remplacée par une branche plus courte se détachant près de Sylvaréal : elle se jetait dans la mer au Grau-Neuf, entre Aigues-Mortes et les Saintes-Maries, et prit le nom de Rhône mort à son origine, celui de Rhône vif près de son embouchure. Aujourd’hui elle est remplacée par un canal qui dessert les grandes salines de Peccais et les met en communication par le canal du Bourgidou avec celui d’Aigues-Mortes à Beaucaire et celui d’Aigues-Mortes à Cette, par conséquent avec tout le nord et le sud-ouest de la France.


II. — formation et aspect du territoire d’aigues-mortes.

Le voyageur qui descend à la station de Lunel, entre Nîmes et Montpellier, prenait autrefois, avant l’établissement du chemin de

  1. Voyez les Fosses Marianes et le canal de Saint-Louis, par J. Gilles, 1869.