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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/909

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dont un étudiant en médecine est le héros et faillit être la victime. Le brave jeune homme ose en face d’une foule qui murmure élever la voix contre l’odieuse tyrannie de la commune. Une de ces plaisanteries qui déconcertent le sérieux et changent la colère en éclat de rire mit fin à cette scène, qui prenait une tournure menaçante. Le gamin de Paris, dont l’émeute est l’élément et qu’on trouve dans tous les rassemblemens, y coupa court par un brusque lazzi. « Un train express, se mit-il à dire, l’école de médecine attend, chauffez, chauffez ! Messieurs les voyageurs, en route ! » Puis il imita le sifflet, le bruit de la locomotive, et tout fut dit. L’on se dispersa en riant. La commune sentait partout l’horreur croissante qu’elle inspirait. La jeunesse des écoles, d’ordinaire si facile à entraîner, résistait cette fois non sans quelque énergie. Celle de l’École de médecine se refusait aux avances du pouvoir anarchique, qui se flattait de la gagner en l’invitant à prendre part à une réorganisation de l’enseignement ; elle gardait des préjugés que les défenseurs du nouveau régime traitaient de rétrogrades, elle croyait à la supériorité et aux titres que donnent le savoir et le talent, dernière aristocratie que n’admettent pas les nouveaux niveleurs. Un garde national disait au jeune étudiant que nous venons de voir en scène : « Ah ! sans doute, vous voudriez dans la commune des généraux, des savans, des professeurs ; vous voulez des étoiles, il n’en faut plus ! » Ce mot était tout un programme.

Combien d’autres protestations plus vaillantes et plus dangereuses ! mais aussi que de traces de mollesse de conscience ! On suit dans les papiers des mairies et dans les documens de l’enquête les tentatives de conciliation entre l’assemblée et la commune, œuvre laborieuse et chimérique de pacificateurs intempestifs ; les uns semblent sincères, bien intentionnés, seulement ils ont le sens moral assez émoussé pour compter avec une faction sans vergogne comme si c’était un gouvernement ; les autres, amis habiles de l’équivoque, ont pris la conciliation comme le masque d’une défection qui ne tarde pas à se déclarer, ou à qui le temps seul manque pour se trouver du côté de l’insurrection. Indice trop sûr, et qui jamais peut-être n’avait été aussi fréquent, d’un trouble profond dans les âmes ! Indécision déplorable entre le vrai et le faux, le bien et le mal, et quand l’hésitation manquait de tout prétexte plausible ! Une telle éclipse de l’idée du droit est plus triste peut-être que la révolte même. Dieu merci, le gouvernement qui siégeait à Versailles n’a pas eu de ces défaillances ! Le droit de la France n’a pas capitulé. Cette honte par laquelle vient de passer l’Espagne, même en soumettant une autre commune, née, elle aussi, au souffle empoisonné de l’Internationale, cette honte a été épargnée à notre pays. Au milieu de tant de cruels déboires, vous imaginez-vous des mots comme ceux