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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/943

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comme espèces, étendues sur un espace plus vaste, les vignes d’Amérique n’ont pas moins d’ennemis que notre vigne d’Europe. En fait d’insectes, elles en ont même davantage, comme le prouvent les belles études consacrées à ce sujet dans les rapports entomologiques de M. Riley. Nous nous bornerons ici à signaler, parmi ces ennemis, insectes ou champignons parasites, ceux dont les ravages sont assez grands pour attirer l’attention générale. Commençons par les cryptogames qui jouent un rôle dans les maladies complexes vaguement appelées rot (pourriture) et mildew (nielle ou moisissure).

Le rot est la plus redoutée des maladies de la vigne en Amérique : c’est un vrai fléau tombant tout d’un coup sur la récolte, sur les grappes pleines de vie, et détruisant en un jour les espérances de l’année. Le mot est dans toutes les bouches aux États-Unis ; mais la chose elle-même n’est pas nettement élucidée et mérite sur place un examen plus attentif. Le black rot, pourriture noire, se manifeste aux mois de juin et de juillet lorsque des pluies très abondantes succèdent à de violens coups de soleil. Tout d’un coup des grappes encore vertes, plus qu’à demi développées, ont leurs grains comme brûlés sur un côté d’une tache brun clair avec un bord ou auréole plus foncée : au-dessous de la tache, le tissu du grain durcit et le grain entier se dessèche ou pourrit suivant que le temps devient sec ou demeure humide. On pourrait croire qu’il y a dans ce fait une simple action météorique analogue à l’échaudage par exemple, si l’on ne voyait le plus souvent sur la pellicule de la tache poindre de toutes petites pustules saillantes, dont l’orifice presque imperceptible laisse sortir une gouttelette vermiculée de liqueur gluante, où le microscope révèle les spores d’un champignon du groupe de ceux appelés par les botanistes pyrénomycètes ou hypoxylés. Ces organismes ont le plus souvent des filamens nourriciers dissimulés sous l’épiderme des plantes, tandis que les appareils de fructification se font jour à l’extérieur. La cryptogame du rot a été décrite par MM. Curtis et Berkeley sous le nom de phoma uvicola ; mais l’histoire de son évolution est encore à faire, et jusqu’à présent rien n’a pu suggérer des moyens pratiques de s’opposer à ses ravages. Tous les raisins n’y sont heureusement pas sujets, mais le catawba, si précieux à d’autres égards, est un de ceux dont il rend la récolte précaire.

Sous le nom vague de mildew, deux parasites de la vigne sont souvent confondus par les viticulteurs américains : ce sont d’une part l’oïdium Tuckeri, et de l’autre le peronospora viticola, qu’on pourrait appeler faux oïdium. Connu en Europe depuis 1845 seulement, l’oïdium est certainement un parasite importé ; le docteur Montagne, de l’Institut, pensait même y reconnaître un champignon