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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/98

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À Paris, les maximum de disette sont descendus de 50 fr. 44 cent. en 1817, de 42 francs en 1847, à 39 fr. 62 cent. en 1855, à 33 fr. en 1861 et à 32 fr. en 1868. Les minimum des années d’abondance y ont monté de 13 fr. 37 cent. en 1822 à 16 fr. 34 cent. en 1865. En même temps que s’atténuaient les variations de prix dans l’espace par la fusion de nos petits marchés en un seul, les variations dans le temps s’affaiblissaient aussi par la fusion de notre marché général avec celui des principaux marchés du monde et surtout de l’Occident.

Il n’est pas nécessaire d’insister sur les avantages qui résultent, pour la consommation, de l’uniformité et de la stabilité des prix. Avec des prix incertains et sujets à de grandes oscillations, la prévoyance humaine est constamment en défaut. Le chef de famille qui n’a que des ressources limitées, l’ouvrier qui vit de son travail de chaque jour, sont exposés à être débordés quand la cherté du pain est venue. Il faut un grand fonds de sagesse pour se résoudre à épargner dans la saison d’abondance, afin de parer aux effets de la disette. L’expérience démontre que tous les hommes n’en sont point capables. Dans tous les cas, les brusques variations de prix, en dérangeant tous les calculs d’économie, ont pour effet de rendre l’exercice de cette vertu plus difficile. L’agriculture n’a pas moins à souffrir de ces variations. Même avec beaucoup de blé à vendre, le cultivateur fait peu d’argent quand les prix sont très faibles. Il en fait encore moins quand les prix sont très élevés, parce qu’il a alors peu de blé disponible. Il n’attend pas d’ailleurs que la crise soit arrivée à l’état aigu pour porter sa récolte au marché. C’est ainsi qu’avilissement et cherté sont des maux qui frappent l’humanité sans aucun profit pour l’agriculture. Les crises de subsistances sont aussi de véritables crises agricoles, dont l’intensité se mesure par l’amplitude et la rapidité des oscillations de prix.

Pour montrer combien les variations de la production et des prix exercent une influence fâcheuse sur la prospérité de la population agricole, il suffira de comparer la condition du simple cultivateur dans le nord et dans le midi de la France ou de l’Europe. Dans le nord, toute l’agriculture pivote autour du bétail. Les produits animalisés entrant là en plus forte proportion dans l’alimentation de l’homme, le lait, le beurre, le fromage, la viande et les graisses y ont un cours plus élevé, un débit plus facile. Or c’est le propre des systèmes de culture qui font à la production animale une large place d’offrir la plus grande régularité dans la production et dans les prix. Un peu plus ou un peu moins d’humidité influe certainement sur l’abondance et la qualité des fourrages ; mais il n’y a jamais là que des variations de production sans importance et des oscillations de prix sans grands écarts. Les cultures de céréales qui sont l’accom-