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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/156

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pendant la traversée des steppes par le manque d’eau et d’approvisionnemens, le feu de l’ennemi leur avait fait peu de mal. Le khan de Khiva était forcé de reconnaître, comme ceux de Khokand et de Bokhara, l’immense supériorité des armes européennes.

Le khan s’était enfui avant la prise de sa capitale ; c’était peu prudent de sa part, puisqu’il devait connaître les prétentions de certains sultans kirghiz à la couronne de Khiva. Aussi revint-il au bout de quelques jours, disposé à souscrire à toutes les conditions que le vainqueur jugerait bon de lui imposer. Ce que le général von Kauffmann lui fit signer était, à vrai dire, moins un traité de paix qu’une déclaration de vasselage. Le khan se proclame l’obéissant serviteur de l’empereur de toutes les Russies ; il renonce au droit d’entretenir des relations directes avec les souverains voisins ; il abandonne tout le territoire situé sur la rive droite de l’Amou-Daria avec les habitans sédentaires ou nomades que renferme ce territoire. Bien entendu, tout le khanat est ouvert aux négocians russes avec dispense pour les marchandises des droits de douane ou de transit. Enfin l’esclavage est aboli, et la contribution de guerre est fixée au chiffre énorme de 2,200,000 roubles à payer par annuités. Ce traité porte la date du 25 août.

On prétend, avec raison peut-être, que, dans les expéditions dirigées par les Russes vers l’Asie centrale, les généraux, ambitieux de se distinguer par des conquêtes, ont toujours outre-passé leurs instructions. Von Kauffmann devait en avoir la tentation plus que tout autre, puisque les troupes de Tachkend qu’il conduisait étaient arrivées avec lui juste à temps pour assister à la fin de la dernière bataille ; il avait d’ailleurs une excuse. Les tribus turcomanes qui nomadisent au sud de Khiva reconnaissaient depuis longtemps la souveraineté nominale du khan ; elles l’avaient assisté dans cette dernière guerre ; en réalité, elles n’obéissaient à aucun maître. Non contentes de ne payer aucun impôt dans les temps ordinaires, lorsqu’elles prenaient les armes, elles se conduisaient dans les campagnes du Kharizm comme en pays conquis. Il n’y a pas à s’étonner alors que ces nomades ne se crussent pas liés par le traité du 25 août. Les esclaves persans mis en liberté par les Russes avaient à traverser les steppes pour regagner leur patrie ; les Turcomans en massacrèrent un grand nombre : ils voulaient sans doute se venger de ne les plus pouvoir vendre, la prise de Khiva supprimant leur dernier marché. Le gouverneur-général devait réprimer cet acte de sauvagerie. Il lui eût été difficile de punir toutes les tribus ; il s’en prit à celles, coupables ou non, qu’il était le plus aisé d’atteindre. Une petite expédition dirigée contre les Yomoudes eut un entier succès ; outre un grand nombre de morts et de blessés, ils