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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/185

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compétence, étudié avec plus d’amour la géographie physique du globe ? Doué d’un singulier enthousiasme, amant passionné de la nature et de la science, il a d’abord voyagé, il a voulu jouir du spectacle varié du monde extérieur et en connaître les phénomènes avant de les décrire. Quoi qu’il en soit de ses idées égalitaires et socialistes, M. Elisée Reclus a un autre mérite comme géographe que celui d’avoir produit un bon livre : il a déjà fait école, et, ce qui est fort rare, il a fait école dans sa famille, il a su communiquer à M. Onésime Reclus une partie de l’enthousiasme dont il était lui-même animé. Le meilleur manuel qui ait paru en France, avec la Géographie générale de M. Dussieux, est l’attrayant résumé descriptif que ce jeune adepte a publié l’an dernier ; ce n’est guère, il est vrai, qu’une description vive, juste et pittoresque, mais elle se lit avec plaisir, se retient aisément, et, n’était quelques écarts de goût et de style, on ne saurait mieux faire que de le recommander dans toutes les écoles.

Quant aux atlas, sans parler de notre carte de l’état-major, qui n’est pas irréprochable assurément, mais qui constitue encore le meilleur ensemble que l’on possède en Europe sur la topographie d’un grand pays, sans parler même de la réduction exécutée au 320/1000e de ce travail gigantesque, la nouvelle carte du génie au 500/1000e répondra mieux que ces travaux à grands points au besoin général du public. Deux feuilles, sur les quinze qui doivent la composer, sont achevées et publiées ; les autres suivront bientôt. Nous n’avons encore cependant aucun atlas complet et d’un usage commode qui puisse se substituer aux travaux allemands de Kiepert et de Stieler ; mais on en aura bientôt, et nous possédons depuis peu une carte murale de France : c’est celle que vient de publier M. Erhard, qui dépasse de beaucoup tout ce qu’on a vu en ce genre, soit chez nous, soit même à l’étranger. L’aspect en est surtout satisfaisant, le relief du sol y est rendu avec une grande vérité par l’heureux emploi de la chromogravure. Cependant nous ne saurions assez déplorer que sur ce splendide panorama, véritable photographie des terres et des eaux, on ait inscrit d’une main aussi lourde les noms des départemens, ceux des villes, et qu’on y ait tracé aussi grossièrement les divisions et les lignes de chemins de fer ; il semble qu’on ait pris plaisir à déshonorer ce chef-d’œuvre. Fort heureusement on peut tirer la carte sans les noms, et c’est celle-ci que les connaisseurs choisiront sans hésitation, laissant la carte écrite aux écoles primaires.

Nous ne sommes donc pas, comme on voit, aussi déshérités qu’on le dit communément. Des livres bien faits existent, il faut savoir les découvrir, et c’est là que les conseils désintéressés et sincères doivent