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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/301

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le cri public, ne provenait que des abus. Oui, mais ces abus avaient passé dans le sang de cette génération : comment les réformer quand ils n’avaient pour ainsi dire que des complices, une noblesse qui avait vu sans murmurer les débauches du vieux roi et les prodigalités de ses favorites, un clergé où quelques abbés mondains donnaient le ton, une bourgeoisie frivole qui prenait sa revanche dans quelques épigrammes, et, pour rester dans notre sujet, des compagnies de finances sur lesquelles l’état se déchargeait du souci et du contrôle des recouvremens, laissant ainsi les populations en butte aux tyrannies de la maltôte ? Il fut question de toutes ces misères chez les notables, qu’elles touchaient peu ; leur susceptibilité ne s’éveilla qu’au moment où leurs intérêts entrèrent en jeu avec l’impôt sur le timbre et la subvention territoriale. Alors ce ne fut plus qu’un sentiment de révolte chez les privilégiés ; notables et parlemens firent si bien, que Calonne dut battre en retraite, quoiqu’il eût parlé au nom et avec les instructions du roi. L’opposition avait rejeté tous les projets du ministre : seul, le bureau présidé par Monsieur s’y était montré favorable.

II.

Dès ce moment, tout ce qui restait debout de l’ancien régime dut tomber pièce à pièce : les fermes et régies furent du nombre ; un décret du 27 mars 1789 consacra cette suppression. La vente des sels et des tabacs devint libre, et tout le matériel d’exploitation du bail de Mauger passa entre les mains de la nation. La mesure d’affranchissement eut lieu, avec effet rétroactif, au 1er janvier pour les gabelles et à dater du 1er juillet pour le tabac et les entrées de Paris. Les détails de cette liquidation ont été relevés avec le plus grand soin par M. Alfred Lemoine. Les scellés qui avaient été mis sur les caisses et les bureaux furent levés après vérification faite des journaux à souches, et les débets portés à la trésorerie nationale avec les fonds en caisse. Plus tard, la loi du 1er août 1791 créait une commission pour statuer sur le remboursement à l’adjudicataire du prix de son matériel d’exploitation et pour présenter le travail d’achèvement des comptes avant le 1er janvier 1793. Une autre loi du 23 août enjoignit aux fermiers-généraux de ne plus faire aucune recette ni dépense, et de ne donner suite à aucune affaire.

Jusque-là, on avait mis dans les actes préliminaires quelques ménagemens. On traitait encore avec une certaine déférence les hommes qui avaient manié de si grandes sommes et employé tant de cliens. La commission nommée se composait même d’anciens fermiers-généraux, auxquels on attribua 1,000 livres par mois d’honoraires. On avait brisé un instrument odieux au peuple ; l’heure des