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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/308

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ples. D’ailleurs, ajoutait-il, on n’a rien fait de ce qui avait été indiqué comme formes d’un jugement équitable ; on devait soumettre aux prévenus les différens chefs d’accusation, les discuter, leur mettre les pièces sous les yeux, leur faire des interpellations ; rien de tout cela n’a été fait. Ils devaient être entendus, ils ne l’ont pas été : ils ont été envoyés à la mort sans avoir été jugés et avant l’impression du rapport. » Une fois entré dans le désaveu de ses propres actes, Dupin n’y mettait plus de fausse honte ; il proposait un projet de décret qui annulait la confiscation prononcée contre les ci-devant fermiers-généraux, levait le séquestre mis sur leurs biens, ceux de leurs représentans, adjoints et autres, et les convertissait en une simple opposition sur les immeubles jusqu’à apurement définitif des comptes de la ferme-générale. Il sollicitait enfin cette mesure comme un grand acte de justice. La convention fit tout ce qu’elle pouvait faire pour un coupable touché d’un tel repentir ; elle ordonna l’impression de son rapport.

Les veuves et les enfans des morts ne se payèrent, comme on le pense, ni de ces capitulations de conscience ni de ces indemnités équivoques ; ils avaient une revanche à prendre et ne pouvaient souscrire à des compromis. Aussi n’eurent-ils point de cesse qu’ils n’eussent soumis Dupin à la loi du talion et ne l’eussent converti en accusé, lui qui avait si cruellement accusé les autres. Un prétexte fut cherché pour faire aboutir une dénonciation formelle au comité de législation, et avec un peu de patience on y parvint. Il n’y avait pas à rechercher le conventionnel pour des actes politiques ou judiciaires, on se rejeta sur sa vie privée. Malheureusement il y eut beaucoup de maladresse dans le choix des moyens employés ; on descendit à des commérages qui, vérification faite, se trouvèrent être sans valeur, si bien qu’après un décret rendu à l’aventure, qui ordonnait l’arrestation de Dupin et une mise de scellés chez lui et chez sa belle-mère, il fallut en rapporter toutes les dispositions et enjoindre au comité de sûreté générale de procéder à la levée des scellés. Dupin prouva ainsi à ceux qui, pour les plus légitimes motifs, avaient une vengeance à exercer contre lui, qu’ils ne parviendraient ni à l’intimider ni à le surprendre. D’ailleurs avec le temps les passions s’apaisèrent, et cette liquidation des fermes trouva ses formes définitives. Un décret du 18 prairial an III (6 juin 1795), rendu sur la motion de Boissy et de Lanjuinais, permit enfin aux familles d’un grand nombre de fermiers-généraux de rentrer dans leurs biens. Peu à peu et par divers an’êtés, la situation des créanciers fut successivement réglée jusqu’au moment où tous les séquestres ou oppositions cessèrent et où les créanciers de la ferme-générale, aux termes de l’arrêté du à germinal an VIII (12 janvier 1800), eurent fait reconnaître leurs créances dans les formes admi-