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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/431

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n’ai rien entendu de plus merveilleusement beau que ce discours, aussi habile qu’éloquent. C’est l’avis unanime de tous ceux qui étaient là. Il surpasse, à mon sens, ceux de Pitt, ceux de Fox, et même les plus magnifiques de Burke, et c’est vous dire à quel point il est admirable. Comme il avait la conviction que le sujet était digne de tous ses efforts, il y a mis un sentiment tel que les applaudissemens qu’il a soulevés s’adressaient à l’orateur autant qu’à la justice de la cause. Il est impossible de décrire l’impression produite sur l’assemblée. Quant à moi, j’avais la gorge serrée, les yeux pleins de larmes, tant il avait su émouvoir tous mes sens… La conclusion a jeté l’assemblée, indignée contre les coupables, dans de tels transports d’admiration pour l’orateur qu’au moment où il s’est assis non-seulement une explosion de cris enthousiastes, mais des applaudissemens qui ont duré plusieurs minutes ont salué sa péroraison. Chacun a quitté sa place, et dans l’exaltation du triomphe ses amis l’embrassaient avec des transports de joie. Loin d’être exagéré, ce récit vous donne une faible idée de la scène la plus extraordinaire qui se soit jamais passée chez nous, ou même dans aucune assemblée populaire… »


Sir Gilbert, qui était au nombre des commissaires chargés de soutenir les divers chefs d’accusation, avait reçu pour mission de poursuivre sir Elijah Impey, l’un des agens de Warren Hastings. Dans ces débats, où l’humanité trouva de si ardens défenseurs, sir Gilbert sut se distinguer particulièrement, si l’on en juge du moins par les éloges de ses amis, surtout par ceux de Burke, dont nous ne citerons qu’une partie.


« ….. Il ose dire, écrit sir Gilbert à sa femme, que ce discours (celui que sir Gilbert vient de prononcer) est « la plus belle chose qu’il ait jamais entendue, une chose divine, délicieuse, » et ainsi de suite… Pour l’amour de Dieu, n’en dites rien à personne !.. J’allai dîner chez lui après la séance, et là encore il ne pouvait se contenir. À chaque instant, il traversait la chambre pour m’embrasser. À dîner, sans aucune provocation, il me tendait la main par-dessus les plats pour serrer la mienne… L’opinion de Fox n’est pas moins flatteuse. Parlant d’un des points que j’ai traités, il s’est tout à coup laissé emporter aux formules d’admiration les plus excessives. — Non, pardieu ! s’est-il écrié avec un juron, il n’y a jamais eu rien de plus parfait que le discours de sir Gilbert ! — Et alors il en a débité des passages comme s’ils étaient de lui-même. »


À coup sûr, ces témoignages d’une si vive admiration, venant d’amis qui, attachés à la même cause, avaient intérêt à se soutenir les uns les autres, peuvent être soupçonnés de quelque exagération. Cependant il doit y avoir du vrai dans cet hommage rendu par des