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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/449

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partagée entre l’espoir de la paix, dont les préliminaires venaient d’être acceptés par le premier consul, et la crainte de voir recommencer une nouvelle guerre, qu’elle pressentait à l’horizon, en voyant les préparatifs inquiétans du camp de Boulogne. La composition du ministère Addington était trop faible pour rassurer les esprits. Quant à l’opposition formée de tant de talens, les uns déjà éprouvés, les autres pleins d’avenir, elle recevait de nouveau lord Minto dans ses rangs. Il y demeura durant cinq années encore, et si nous renonçons maintenant à le suivre pas à pas, c’est pour ne pas insister sur des incidens parlementaires qui n’ajouteraient rien de nouveau à une physionomie dont nous croyons avoir indiqué les traits principaux. Il vaut mieux passer rapidement sur les événemens qui précédèrent le jour où nous devrons prendre congé du futur gouverneur des Indes.

On sait combien l’année 1805 fut fatale à l’Angleterre, qui perdit Nelson, et ressentit en même temps le contre-coup des victoires d’Ulm et d’Austerlitz. Lord Minto, en donnant les détails du combat glorieux de Trafalgar, où lord Nelson, son ami particulier, trouva la mort, se laisse aller à des réflexions empreintes de tristesse et de découragement : « Toute grande et importante que soit la victoire, dit-il, elle est encore trop chèrement achetée, même dans l’intérêt public, par la mort de Nelson ; il nous faudrait encore bien d’autres victoires, mais à qui nous adresser ?.. » Lorsque, peu de temps après, Pitt fut lui-même enlevé à son pays, Fox, héritier de cette succession convoitée depuis tant d’années, en formant le cabinet qui fut alors appelé le ministère de tous les talens, s’empressa de nommer lord Minto à la direction du contrôle des Indes. À peine avait-il commencé l’exercice de ses nouvelles fonctions dans ce brillant ministère, dont la mort de Fox devait rendre l’existence si éphémère, qu’un nouvel appel était fait au dévoûment de lord Minto. Le gouvernement des Indes était devenu vacant. Plusieurs compétiteurs se présentaient, et le ministère ne parvint à se mettre d’accord qu’en fixant son choix sur un homme propre à rallier tous les suffrages ; pour lord Minto, le sacrifice était pénible, car il fallait se séparer des siens, et la santé de lady Minto ne lui permettait pas de le suivre aux Indes. C’est elle qu’il laissa maîtresse de la résolution à prendre, mais la courageuse femme n’hésita point. Nous ne saurions mieux clore la série des nombreux emprunts que nous avons faits à cette intéressante correspondance du mari et de la femme que par une citation où lord Minto se peint tout entier.


« Venons maintenant, lui écrit-il, aux considérations personnelles, c’est-à-dire au plus grand conflit où se trouva jamais livré mon esprit.