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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/469

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sonne n’a eu la pensée de les éluder. L’assemblée les a votées sans marchander, le pays les accepte en silence, comptant sur son énergie et sur son travail. Tout ce qu’on demande, c’est que les résultats soient proportionnés aux sacrifices, que ce qui a été détruit par la guerre soit reconstitué dans la paix, et qu’avec un si gros budget il y ait réellement une armée. L’essentiel est de ne point laisser s’épuiser cette bonne volonté universelle en efforts mal dirigés ou inutilement coûteux, de porter dans cette rénovation nécessaire, laborieuse, un esprit éclairé et retrempé par des désastres qui ne peuvent et ne doivent être perdus ni pour ceux qui commandent ni pour ceux qui obéissent, ni pour les politiques ni pour les militaires.

Le progrès de ce patriotique travail de réorganisation, on peut le suivre en quelque sorte sur le terrain aujourd’hui dans ces manœuvres où, pour la première fois depuis trois ans, s’essaie notre armée nouvelle. C’est la saison de la petite guerre pour tout le monde. L’empereur d’Allemagne est allé assister aux manœuvres d’une partie de son armée dans le Hanovre. L’empereur d’Autriche est au camp de Brandeis en Bohême. L’armée française est en plein mouvement dans le nord avec le général Clinchant, dans l’est avec le duc d’Aumale, dans l’Argonne, autour de Verdun, avec le général Douai, dans le centre avec le général Ducrot. M. le maréchal de Mac-Mahon a voulu voir par lui-même les opérations du corps du général Clinchant. Rien de mieux. De toute façon, c’est une école de guerre utile, instructive, excitante pour les généraux comme pour les officiers et les soldats. C’est de plus le meilleur moyen de suivre de près, dans la réalité, cette œuvre de transformation qui s’accomplit peu à peu sans doute, qui ne peut être cependant l’affaire d’un mois ni d’une année, et sur laquelle il n’y a aucune illusion à se faire, si l’on veut arriver au résultat qui est le désir intime et ardent de la France. La vérité est que cette reconstitution de notre puissance militaire dépend encore de bien des conditions, de bien des réformes d’organisation, d’administration, de personnel. Depuis trois ans, l’assemblée a certes beaucoup fait, et avant tout elle a commencé par une étude minutieuse de ce qui nous restait au lendemain de la guerre, par une sorte de liquidation morale, politique autant que militaire et matérielle. Elle a fait l’inventaire de notre situation en cherchant les causes qui avaient contribué à de si terribles revers. L’assemblée, à vrai dire, n’a reculé devant aucune investigation ni devant aucune des réformes qui lui ont été proposées. Elle a voté la loi nouvelle de recrutement, la réorganisation de l’armée en corps permanens, les mesures de fortification et de défense pour Paris comme pour la frontière de l’est, une loi sur l’état des sous-officiers. Au moment où elle s’est séparée, il y a six semaines, la loi sur les cadres était prête, le projet allait être présenté. Une commission nommée depuis quelque