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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/538

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A la bonne heure, mais avouons alors que la conscience, ce fait interne, cet état d’esprit ou, si l’on veut, cette faculté-reine sans laquelle nous n’aurions aucune connaissance quelconque, se dérobe à toute explication prenant son point de départ dans l’inconscient, et reconnaissons que la thèse spiritualiste, qui remonte à la conscience divine comme à son origine première, conserve l’immense avantage de donner à la conscience humaine une raison d’être que les autres théories sont impuissantes à remplacer.

Passons rapidement sur d’autres chapitres qui auraient peut-être été mieux à leur place dans l’enquête expérimentale de la première partie, et où l’auteur s’attache à poursuivre dans le règne végétal les traces d’une vie quasi animale, y compris une certaine sensibilité et une certaine conscience. La matière elle-même ou du moins ce que nous désignons ainsi est également volonté et idée, et le matérialisme a tort de nier l’existence du principe psychique inconscient qui la domine. Au fond, l’idée de matière se résout en celle de force, laquelle devient, comme Leibniz l’a déjà très bien dit, la seule vraie substance. Si l’on objecte qu’une force sans matière est une abstraction vide de sens, on oublie que toute matière n’est que l’apparition d’une ou de plusieurs forces. La vérité est que la matière est partout et toujours le résultat de la combinaison ou de la répulsion de forces attractives et répulsives. N’oublions pas que, dans le système, force et volonté, c’est tout un. La force ou la volonté suprême pour se réaliser se brise en quelque sorte en des myriades d’atomes qui, par leurs combinaisons sans nombre, forment la série des êtres grands et petits, mais une série souverainement commandée par la volonté primordiale, par sa majesté inconsciente, qui déroule l’opulence de ses idées également inconscientes en combinant les êtres en vue de son but, qui est la formation de la conscience et, par elle, l’acquisition de la certitude que c’est une erreur de vouloir être. Il y a là un mélange pas toujours très lucide, sur lequel Spinoza, Leibniz, Hegel, Schelling, ce dernier surtout, sans parler de Schopenhauer, pourraient réclamer tour à tour leurs droits d’auteur, et dont le seul exposé nous prendrait beaucoup trop de temps. Qu’il nous suffise de savoir que, sans avoir réellement rajeuni ce vieux sujet, l’auteur se prononce carrément pour un panthéisme très accentué ou, selon son expression, pour un monisme sans aucune réserve, ne laissant aucune place à la réalité de l’individualité humaine. L’individualité réelle n’existe que dans les forces atomiques. Nous sommes composés de billions d’êtres vivans, corpuscules cellulaires qui eux-mêmes sont le résultat de combinaisons compliquées. Nous sommes des apparitions comme les arcs-en-ciel dans les nues. Ils se ressemblent tous, ils diffèrent