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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/598

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toute la puissance de l’homme pour faire contracter ces unions, même aux espèces qui se ressemblent le plus[1]. » Présenté en termes un peu trop absolus, le tableau reste vrai. Dans l’état de nature, on le sait aujourd’hui, naissent parfois des hybrides, mais ils sont d’une rareté extrême ; des circonstances très exceptionnelles sont nécessaires pour amener des unions anormales. En captivité, l’isolement, l’impossibilité de choisir, l’ardeur qu’excite un besoin impérieux à satisfaire, finissent souvent par l’emporter sur la répugnance instinctive. L’alliance néanmoins restera sans résultat, si le mâle et la femelle ne sont pas d’espèces voisines.

Dès qu’il s’agit de l’hybridité, l’animal issu de l’âne et du cheval devient le premier exemple. Le mulet se voit en Orient et en Europe depuis une époque fort ancienne, partout son nom est devenu synonyme d’être stérile. C’est en effet la condition ordinaire du produit de l’âne et de la jument comme de celui du cheval et de l’ânesse ; il est donc avéré que les mulets sont incapables de propagation. On assure, il est vrai, depuis longtemps que des mules d’Andalousie parfois deviennent mères en s’unissant soit au cheval, soit à l’âne ; tout récemment ce phénomène s’est réalisé au Jardin d’acclimatation du bois de Boulogne. Toutes les espèces du genre cheval produisent entre elles : l’hémione, le zèbre, le couagga, le dauw, avec l’âne et le cheval ; on cite des mulets provenant du croisement de l’âne et du zèbre, du zèbre et du cheval, dont la fécondité mise à l’épreuve a été reconnue. Dans la ménagerie du Muséum d’histoire naturelle de Paris, où l’on entretient des hémiones, des hybrides de cette espèce et de l’âne sont nés à diverses époques ; par l’ensemble de la conformation, l’hémione des montagnes de l’Asie centrale est plus près de l’âne que celui-ci ne l’est du cheval ; les produits des deux animaux ont été souvent féconds. Un mâle né d’un hémione et d’une ânesse « a fécondé, rapporte Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, les deux espèces dont le croisement l’avait produit ; mais, ajoute le savant naturaliste, des expériences multipliées nous ont appris que cet hémione-âne, s’il est plus fécond qu’un mulet ordinaire, l’est moins qu’un individu de race pure. » Les hybrides de la seconde génération se montrèrent absolument stériles. Aujourd’hui, grâce aux soins de M. Milne Edwards, on voit pour la première fois au Jardin des Plantes un hybride issu de l’hémione et de la jument. En résumé, les espèces très distinctes d’un genre fort naturel donnent naissance à des hybrides, les uns stériles, les autres d’une fécondité médiocre appelée à s’éteindre dans la descendance immédiate.

Il y a vingt ans, le consul de France en Chine, M. de Montigny,

  1. Recherches sur les ossemens fossiles. Discours préliminaire.