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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/628

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Hidalgo, capitaine en 1866 et accusé par eux de connivence avec les sergens qui, dans une émeute (22 juin 1866), égorgèrent leurs supérieurs, ils refusèrent d’obéir : 700 officiers d’un même coup furent mis à la retraite ; le roi Amédée, comme souverain constitutionnel, signa cette impolitique mesure, mais il en comprenait toute la portée, et de la même plume il écrivit son abdication. Sur ces 700 officiers, beaucoup n’avaient que leur épée pour vivre ; ils durent attendre un an la réorganisation de l’armée par Castelar ; outragés, réduits à la misère, repoussés par le gouvernement qu’ils voulaient servir, ils pouvaient, semble-t-il, avec quelques prétextes, passer dans le camp carliste, où leurs titres, leur rang, leur éducation militaire, les assuraient d’avance du meilleur accueil ; à peine en est-il une vingtaine qui eurent cette faiblesse, tant la vraie noblesse espagnole a peu de sympathie pour la cause du prétendant. Don Carlos du reste ne s’y trompe pas, et, s’il faut en croire les paroles qu’on lui prête, désespérant de la gagner jamais, il songerait déjà à la punir. « Arrivé dans Madrid, a-t-il dit, je donnerai quinze jours aux grands d’Espagne pour venir me baiser la main ; passé ce délai, leurs noms seront rayés du livre de noblesse, leurs titres feront retour à la couronne, et seront donnés à des paysans qui les auront mérités sur les champs de bataille. »

Une autre erreur singulière serait de croire que don Carlos combat pour la foi, et que l’intérêt du catholicisme est le moins du monde lié au succès de sa cause. Par tradition, par éducation, par caractère, tout Espagnol est sincèrement catholique : il n’est pas de pays peut-être où la religion ait des racines plus vivaces et plus profondes que dans la Péninsule. C’est au nom de la foi que pendant huit siècles le peuple espagnol a lutté contre les Maures et versé son sang sur tant de champs de bataille ; c’est au nom de la foi que plus tard il a abdiqué ses libertés et subi le joug pesant de l’inquisition. Sauf quelques républicains exaltés, les plus libéraux en Espagne tiennent à leurs croyances. Aussi s’indignent-ils à bon droit de voir les carlistes associer Dieu à leur tentative impie et se faire une arme de la religion dont ils observent si mal les préceptes, et pour leur part ils prétendent rester bons chrétiens en chassant don Carlos. Sans doute les prêtres basques jouent un grand rôle dans l’insurrection : plusieurs dirigent des bandes armées et comptent parmi les plus redoutables cabecillas ; mais à aucun titre le clergé des provinces basques ne saurait être pris plus particulièrement comme un guide d’orthodoxie ; il s’est fait toujours remarquer par son caractère inquiet et remuant. Pendant ce temps le reste du clergé d’Espagne respecte le gouvernement établi ; dépouillés de leurs biens, privés de la rente qui avait été stipulée en retour, la plupart de ses membres vivent dans une véritable misère et supportent cette injustice