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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/679

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comme à la première, comme à toutes celles dont on les accable, se contentant de protester par l’éloignement quand le fardeau est trop lourd, et d’aller camper au désert quand l’habitation de leurs villages les soumet à trop d’exigences. En dehors de la fortune personnelle du khédive, l’état possède encore une très grande partie du sol, qu’il ne vend ni ne loue, et qu’il fait travailler directement par des ouvriers maigrement payés. Nous avons sous les yeux les chiffres de la culture en 1833 et en 1870 : le produit des terres cultivées en blé a augmenté de 16 pour 100 (5 millions d’hectolitres contre 4,300, 000), — celui de l’orge, des fèves, etc., de 316 et de 272 pour 100. Le coton a donné, en 1870, 63 millions de kilogrammes contre 5 millions en 1833, et le sucre 20 millions contre 400,000 kilogrammes. Le gouvernement égyptien possède en outre deux choses qui ne sont pas sans valeur : une part dans le canal de Suez et les chemins de fer. Il a droit à la moitié du produit des terrains vendus par la compagnie de Suez, et a touché de ce fait 1 million en 1872. Il possède 176,000 actions de la compagnie, dont il a aliéné les coupons pour vingt-cinq ans ; mais, à partir du 1er janvier 1895, il en recouvrera l’entière disposition, enfin il a droit à 15 pour 100 sur les bénéfices de la compagnie après les charges payées. Dans un certain délai, tous ces droits représenteront un actif important. Quant aux chemins de fer, dont le produit est porté au budget pour 22 millions, le revenu brut dépasse aujourd’hui 37 millions, et l’on suppose que, s’ils étaient livrés à l’industrie privée et exploités par elle, l’état pourrait en obtenir plus de 25 millions de produit net. En raison de ces sources de revenus, avec l’amortissement des anciens emprunts et une plus sage répartition des dépenses, l’avenir des finances de l’Egypte pourrait se présenter sous des couleurs d’autant plus favorables qu’elle semble à l’abri des vicissitudes intérieures ou des complications politiques qui menacent le trône du suzerain lui-même du vice-roi. Le khédive actuel a certainement fait beaucoup pour l’amélioration matérielle du pays, et en particulier pour l’agriculture ; mais on ne doit pas se dissimuler que le moment est grave, que le dernier emprunt de 800 millions nominaux constitue une lourde charge pour l’avenir, et qu’il faut changer brusquement les vieilles habitudes. Au lieu des expédiens temporaires, ruineux, des intermédiaires favorisés, des renouvellemens de prêts à courts termes d’autant plus coûteux qu’ils sont plus répétés, aujourd’hui que le gouvernement s’adresse au public dans de larges proportions, il est nécessaire qu’il lui donne toutes raisons de se fier à lui. Au premier abord, il semble téméraire d’imposer à 5 millions de fellahs sans propriétés ni industries des budgets de 257 millions, dont la moitié est absorbée par le