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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/725

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REVUE. — CHRONIQUE.

Toujours est-il que le général Serrano, — car c’est lui et lui seul qui est reconnu comme chef du pouvoir exécutif d’un régime qu’on ne désigne pas, — toujours est-il que le chef du gouvernement espagnol a reçu déjà l’ambassadeur d’Allemagne, M. le comte d’Hatzfeld, et le ministre d’Autriche, M. le comte Ludolf, qui ont été les premiers arrivés. Le représentant de l’Angleterre ;, M. Layard, est récemment passé à Paris se rendant au-delà des Pyrénées. Notre nouvel ambassadeur, M. de Chaudordy, vient de partir à son tour. Il y a quelques jours déjà que l’ambassadeur d’Espagne en France, M. le marquis de La Vega y Armijo, a été reçu de son côté en audience officielle par M. le président de la république. Voilà donc le général Serrano reconnu selon toutes les formes et introduit parmi les pouvoirs réguliers, recevant les représentans de l’Europe et ayant partout ses ambassadeurs. Parce que l’Allemagne avait pris l’initiative de cette manifestation diplomatique, ce n’était pas évidemment un motif pour que la France hésitât dans son choix, et eût l’air de rester sous le poids d’une connivence secrète ou publique avec une cause dont le succès serait plus dangereux pour elle que pour tout le monde. Elle a eu raison de ne point s’arrêter à des incidens, même à des marques de malveillance ou de défiance, et ce qu’elle a reconnu, c’est sans doute un chef de gouvernement, mais c’est surtout et avant tout l’Espagne libérale ayant à se débattre contre une formidable insurrection, réduite à disputer son existence au milieu des fureurs d’une guerre civile implacable. Entre cette Espagne et la France, il y a de vieux liens de sympathies et d’intérêts que ne peuvent détruire ni affaiblir les événemens.

Ces vieilles sympathies, la France ne les désavoue certainement pas. D’où vient donc que l’Espagne ou plutôt un certain monde espagnol qui s’agite autour du gouvernement n’a que des récriminations, des violences de langage contre la France ? Un jour c’est parce que nous ne nous hâtons pas de reconnaître le gouvernement, un autre jour c’est parce que notre ambassadeur n’arrive pas assez vite, puis c’est pour un préfet ou un chef carliste qui aura passé la frontière. Un moment en vérité on aurait dit un système organisé de polémiques violentes et provocatrices. Si cela eût continué, les journaux de Madrid n’auraient pas laissé de rendre délicate la position de M. l’ambassadeur d’Espagne à Paris, M. le marquis de La Vega y Armijo a sûrement trop d’esprit et de courtoisie pour avoir eu la pensée des démarches qu’on lui a fait le compromettant honneur de lui attribuer. Ces nuages sont passés ou passeront comme bien d’autres, et entre les deux pays il restera ce qui a toujours existé, une alliance naturelle, nécessaire, que tous les protectorats ne pourraient remplacer pour l’Espagne. De quoi peut-on se plaindre à Madrid ? Si le gouvernement du général Serrano n’est point encore venu à bout des carlistes, ce n’est point assurément la faute de la France, et ce ne sont pas les navires allemands rôdant sur la côte de