Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/765

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui contribua pour sa part non pas à contenir et à diriger la monarchie, mais à la précipiter au contraire sur la pente de ses propres fautes.

Il serait fort intéressant de suivre dans le recueil de M. de Boislisle la diversité des rapports échangés, selon la différence des temps et des caractères, entre les principaux rois de France et les cours souveraines : ce serait prendre un aspect particulier du long débat auquel étaient attachées les destinées de l’ancienne constitution française. Les documens ne sont pas nombreux sur le règne de Louis XII, duquel date le premier des Nicolay ; ce roi se contenta de profiter de l’ambition des classes riches en favorisant volontiers le commerce des charges. François Ier, malgré des suggestions opposées, semble avoir rarement usé des jussions. Le langage de Henri II est impérieux au contraire, et ses actes ne sont pas exempts de violence. Le faible et capricieux Henri III multiplie les créations d’offices, reçoit avec impatience et dépit les remontrances, dit à haute voix : « Je le veux ! » et ne sait ajouter que quelques vaines menaces. Henri IV, plus habile, discute et riposte, montre sous quelles dures nécessités il a dû se résoudre, cède quelquefois, et gagne toujours les cœurs par sa noble sincérité. Son règne est représenté dans le livre de M. de Boislisle par cent dix pièces, dont cinq seulement ne sont pas inédites. Voyons par ces documens, jusqu’à ce jour inconnus, quel était le tempérament constitutionnel du Béarnais, et en quelle mesure il prépara l’œuvre de Richelieu et de Louis XIV.

Il faut tenir compte, pour la première moitié de son règne, des cruelles extrémités auxquelles il était réduit et de la suprême nécessité de son succès. Entre les ligueurs prêts à triompher et les Espagnols campés au cœur du royaume, il ne voyait d’autre ressource pour obtenir promptement un argent indispensable que les aliénations du domaine ou les créations d’offices. La chambre des comptes enregistrait, mais non sans hasarder de temps à autre des remontrances, non sans multiplier des retards qui causaient au roi de vives impatiences. Ce sont autant d’occasions pour M. de Boislisle de nous faire connaître les pages des registres de la chambre, Mémorial, Plumitifs, Créances, où sont fidèlement reproduites les réponses de Henri IV. L’accent personnel n’y manque jamais, et c’est ce qui ajoute à l’importance historique de ces souvenirs un intérêt moral et presque un attrait littéraire.

Une première fois, quand la chambre était encore à Tours et avant la reddition de Paris, le 16 mars 1593, la compagnie députa vers le roi pour lui remontrer les inconvéniens d’un récent édit d’aliénation du domaine et les raisons qui le rendaient inacceptable