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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/789

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bien des égards elles répondaient aux formes de notre esprit. Nous pouvons de même regretter la disparition des universités de province ; elles ont subi une loi générale qui a été celle de notre histoire, où nous voyons durant des siècles tout se réunir au centre, dans la capitale, pendant que la vie abandonne les extrémités. Il est aussi difficile aujourd’hui de créer loin de Paris des facultés animées d’une énergie réelle que des assemblées départementales assez fortes pour faire respecter leur autonomie. Nous sommes prêts à déplorer que, sur un ordre parti de la rue de Grenelle-Saint-Germain, à la même heure, dans tous les collèges de France, les élèves expliquent le même passage de Virgile, et les maîtres fassent les mêmes remarques ; mais là encore il s’en faut que le mal soit propre à l’Université. Signaler trop vivement des causes de cette nature ne prouve pas une entière intelligence de la question. Beaucoup d’entre elles sont liées étroitement aux révolutions successives qu’a subies l’esprit général de la nation. Que nous le voulions ou non, force nous est de les accepter en grande partie ; prétendre les faire disparaître entièrement serait ignorer notre histoire. Les réformes pratiques sont celles qui ne font pas violence à notre caractère et tiennent compte du passé.

Notre infériorité dans certaines parties de l’érudition tient à ce que les deux instrumens principaux, la méthode et les langues, sont trop peu connus. La faiblesse des études philologiques prime même toute autre cause ; elle explique tous les défauts que nous signalons en France dans les hautes études. Prenons par exemple le grec : ne le sachant que médiocrement, nous ne pouvons aborder que par exception la paléographie et l’épigraphie. Lire les manuscrits n’est qu’une affaire d’usage dès qu’on est maître de l’idiome dans lequel ils sont écrits ; en quelques mois, on y devient très habile. Déchiffrer les inscriptions ne présente non plus que peu d’obstacles. En deux leçons, le professeur vous apprend les formes des alphabets helléniques ; ce qu’il ne vous apprend pas, c’est le grec. Supposez que la langue soit connue, et que vous ayez consacré quelques heures aux variétés du style lapidaire, tous ces marbres mystérieux ne sont plus que des pièces historiques en général fort simples ; vous les soumettez aux règles habituelles de la critique, vous êtes un bon épigraphiste. Dès que vous ne possédez pas la langue, l’examen des documens originaux vous est interdit : vous ne recourez pas aux manuscrits, vous ne vérifiez pas les textes que vous citez, vous négligez les règles d’exactitude et de précision qui s’imposent à tout érudit. Par suite, vous devez vous en tenir à des idées vagues qui sont pour l’esprit un exercice dangereux. Les périls sont les mêmes dans l’archéologie figurée, qui repose tout entière sur l’étude de la