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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/916

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Jean sans Peur, Philippe le Bon, y mirent de grandes manches fendues, à bords découpés en dents de scie. Ils adaptèrent au pourpoint une longue jupe flottante bordée comme les-manches, jupe que d’autres seigneurs préfèrent avoir courte et même collante. Le haubert finit par disparaître pour faire place à l’armure en fer plat, à l’armure de plates, comme on disait jadis. La plaque de métal fut d’abord appliquée aux membres inférieurs, puis aux bras et aux épaules. Dès l’année 1390, on voit sur son sceau Charles le Hardi, duc de Lorraine, ayant l’armure complète des membres : défense d’épaules, brassards, coudières, canons[1], gantelets à lames articulées, cuissots, genouillères, grèves[2] et solerets[3] à longue pointe, dits à la poulaine. Il n’y avait plus qu’un pas à faire pour constituer l’armure complète, renfermant le corps entier de la même façon que les membres étaient déjà emprisonnés. L’Allemagne nous l’apporte[4] à la fin du XVe siècle ; c’est ainsi tout bardé de fer que se montre l’empereur Maximilien Ier, et sur les sceaux de cette époque on commence à rencontrer la cuirasse formée de deux pièces enveloppant la poitrine et le dos. Le fer a pris la place du pourpoint. La chemise de maille fut conservée ; ses larges manches recouvrirent l’arrière-bras jusqu’au coude ; sa jupe dépassa le bord de la cuirasse, garnie devant chaque cuisse d’une pièce défensive appelée tassette. La braconnière ou jupe de plates n’apparaît que sur les derniers sceaux équestres (1515).

Les collections d’armes, les arsenaux, ne nous offrent pas à beaucoup près un ensemble aussi complet d’armures que la série des monumens sigillographiques que je viens de rappeler. On n’y trouve guère que des pièces de la fin du XVe et du XVIe siècle. C’est donc à la sigillographie et aux figures tumulaires qu’il faut presque exclusivement s’adresser quand on recherche les plus anciens modèles ; mais, pour la fin du XVe et pour le XVIe siècle, nous avons mieux que des sceaux, nous pouvons contempler les armures elles-mêmes, les étudier, guidés par les travaux d’Allou, de Penguilly-l’Haridon, de M. E. Viollet-Le-Duc, surtout dans ce beau musée des armes, aujourd’hui établi à l’Hôtel des Invalides et qu’a disposé avec tant d’art et d’intelligence le lieutenant-colonel Lucien Leclerc.

La succession que les sceaux nous fournissent pour le vêtement de guerre du chevalier, elle nous est aussi présentée pour les armes qu’il porte, le casque, le bouclier ou écu, la lance, l’épée, etc. Le casque passe au moyen âge par trois phases assez tranchées. Aux XIe et

  1. Brassards d’avant-bras.
  2. Pièces destinées à la défense des jambes.
  3. Chaussure de l’homme d’armes.
  4. Suivant la remarque de M. E. Viollet-Le-Duc, les Allemands ont toujours précédé les Français dans les innovations destinées à fortifier la défense du corps.