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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/171

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route presque passable, dont la nature fait d’ailleurs tous les frais, rend les communications faciles entre les deux villes. Dans la belle saison, les courriers persans, qui sont pour la plupart des cavaliers infatigables, atteignent généralement la capitale en dix ou douze heures. Pour être dépourvu d’obstacles, le chemin n’en est pas plus attrayant. On peut trouver de par le monde un paysage aussi nu, aussi sec, aussi pelé; je défie qu’on imagine quelque chose de plus monotone que cette espèce de Sahara persan, auquel les géographes ont oublié de donner son véritable nom. Un plateau désert, bosselé çà et là de petits monticules qui, s’il faut en croire la tradition, auraient autrefois servi d’autels aux adorateurs du feu, un sol constamment grisâtre, dont l’aspect odieux est rendu plus fatigant encore par la réverbération du soleil, un horizon éternellement borné par une ligne de collines brûlées, tel est le panorama qui poursuit le voyageur jusqu’aux portes de Téhéran. De loin en loin un maigre village, fait d’un amas de huttes poussiéreuses, offre à l’œil son enceinte de murailles, dont les créneaux enfantins semblent l’œuvre d’un écolier en vacances. Parfois alors un semblant de verdure vient dissimuler pour un moment la nudité des plaines; mais, quelques pas plus loin, le désert recommence. A mesure qu’on approche de la capitale, le pays prend un aspect plus triste encore; la campagne finit par n’être plus qu’un immense champ de cailloux et par ressembler au lit desséché d’un gigantesque torrent.

Cette désolante stérilité, qui fait de la plus grande partie de la Perse comme une terre maudite, ne s’arrête malheureusement pas aux murs de Téhéran. Le voyageur peut continuer sa route vers le sud jusqu’à Ispahan, jusqu’à Chiraz même, il peut pousser dans l’est jusqu’à Meched et redescendre ensuite vers l’Afghanistan, il ne verra guère d’autre horizon. Il faut bien le dire, la végétation du Ghilan et du Mazenderan est une exception propre au littoral; elle ne dépasse pas les crêtes de l’Elbourz. Jamais barrière naturelle n’a séparé deux contrées plus dissemblables : fertilité merveilleuse en-deçà, sécheresse et aridité au-delà. Les brouillards maritimes qui fécondent de leur éternelle rosée les terres basses voisines de la côte, arrêtés tout net par cette muraille d’argile et de granit, n’étendent pas à plus d’une quinzaine de lieues leur action bienfaisante. Passé cette limite, la physionomie de la Perse ne change guère : plaines ou montagnes, c’est partout la même nudité repoussante, la même blancheur poussiéreuse ou saline, que tachent seuls de loin en loin quelques brins d’herbe roussis par le soleil. Ce n’est pas que le sol soit précisément stérile, mais le manque d’humidité étouffe en lui les germes de production. Aux abords des villes et des villages, partout où le travail de l’homme peut assurer à la terre cette goutte