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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/176

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I.

Parmi tous les épisodes de la longue et sanglante lutte qui délivra du joug de l’Espagne les Provinces-Unies, il n’en est point de plus dramatique et de plus célèbre que le siège de Leyde. Leiden, que nous appelons Leyde, héritière de l’antique Lugdunum Batavorum, n’avait jusqu’alors pas fait grand bruit dans le monde. Située à 8 kilomètres de la mer, sur un des bras du Rhin, sur celui qui porte le nom de oude Rijn, le vieux Rhin, toute coupée de canaux bordés de beaux arbres, c’était une cité industrieuse et commerçante ; elle fabriquait, en très grande quantité, des draps qu’elle expédiait par eau dans tous les pays voisins et jusque sur les marchés les plus lointains. Soumise d’abord à des comtes qui occupaient une forteresse, le Burg, placée au centre même de la ville, elle s’affranchit de leur domination en 1420. Depuis ce moment, Leyde eut les mêmes franchises, les mêmes libertés municipales que les autres cités des Flandres et de la Hollande ; avec le comté de Hollande, au milieu du XVe siècle, elle passa, sans rien perdre de ses droits et privilèges, sous la tutelle de la maison de Bourgogne, et, après la mort de Charles le Téméraire, elle fit partie des vastes états de Charles-Quint. Pendant ce siècle et toute la première moitié du suivant, jusqu’à l’abdication du grand empereur, la prospérité des Pays-Bas ne fit que croître, malgré les longues guerres de ce prince et les charges qu’il imposait à ses sujets ; de nouveaux débouchés commerciaux s’étaient ouverts à l’industrie des Flamands. Durant cette période d’activité et de richesse, Leyde avait donné naissance à l’un des premiers maîtres de l’école hollandaise, au peintre et graveur Lucas, connu sous le nom de Lucas de Leyde. Jean Bocold, compagnon tailleur à Leyde, avait joué le principal rôle dans le dernier acte de la sanglante tragédie des anabaptistes ; mais, quoique cette secte eût fait de nombreux prosélytes dans les Pays-Bas, l’orage avait été éclater en Westphalie, et c’était à Munster que le prophète avait triomphé et succombé.

Malgré les rigueurs de Charles-Quint, le calvinisme avait, sous son règne, fait de grands progrès dans les Pays-Bas. Philippe II ne se borna pas, comme son père, à poursuivre ceux qui allaient au prêche ; il traita les Flamands avec mépris, il ruina par des édits insensés leur industrie et leur commerce, il mit contre lui tout à la fois l’amour-propre de ses sujets, leur conscience, leurs intérêts. La révolte éclata, et elle trouva dans Guillaume d’Orange, le grand Taciturne, comme un chef prédestiné à la faire réussir. Guillaume était Allemand d’origine ; mais jamais homme, par ses qualités et