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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/216

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réaliser ce type fabuleux. « Au sud des Niams-niams, disaient-ils, habitent des hommes tout petits dont la barbe est si longue qu’elle atteint leurs genoux. Ces nains, armés de lances, se glissent sous les éléphans et les éventrent avec une agilité qui les rend insaisissables. » Pendant son séjour dans les zèribas, il entendit parler des nains que l’on voyait chez les princes niams-niams, où ils jouaient le rôle de bouffons. Le fait ne paraissait pas douteux; cependant M. Schweinfurth hésitait encore à croire à l’existence de tout un peuple de mirmidons. Enfin un jour, chez le roi Mounza, il vit arriver le chef de la caravane, Abd-es-Samâte, portant sur ses épaules une étrange créature dont la tête s’agitait convulsivement et qui jetait partout des regards éperdus. C’était un Akka de la suite du roi. M. Schweinfurth réussit à le tranquilliser en le comblant de cadeaux, et il put l’examiner, le mesurer et le dessiner à son aise. On l’appelait Adimokou ; il était le chef d’une petite colonie établie à une heure de chemin de la résidence du roi. Aux questions qui lui furent adressées sur son pays par les interprètes de M. Schweinfurth, il ne répondit que d’un air d’ennui et d’une manière vague. Tout ce qu’on tira de lui, c’est que les Akkas demeuraient à trois jours de marche du côté du sud-est, et qu’ils formaient neuf tribus. Tout à coup, voulant se soustraire à cet interrogatoire, Adimokou, par un bond prodigieux, s’élança hors de la tente; on le ramena, et il consentit à exécuter sa danse guerrière. Malgré son gros ventre, ses jambes courtes et son âge avancé, le petit chef fit preuve d’une verve tout à fait extraordinaire; ses cabrioles et sa pantomime grotesque excitèrent l’hilarité bruyante des spectateurs. L’agilité de ces petits hommes est en effet chose inouïe. On les voit traverser les hautes herbes en bondissant comme des sauterelles; ils s’approchent ainsi de l’éléphant à une portée de flèche, lui crèvent un œil, puis vont l’éventrer d’un coup de lance.

Adimokou se retira fort satisfait de l’accueil qu’il avait reçu. Depuis lors il vint des Akkas presque tous les jours; une fois même on vit en arriver tout un régiment qui formait l’escorte d’un des vassaux du roi. M. Schweinfurth, qui rentrait le soir de ce jour-là d’une longue excursion, fut tout étonné de voir à la porte de la demeure royale une troupe de gamins qui semblaient jouer aux soldats et qui le visaient d’un air insolent avec leur arc tendu. On lui dit alors qu’il avait devant lui des guerriers akkas. Il se promit de faire plus ample connaissance avec eux le lendemain; mais avant le lever du soleil toute la bande avait décampé. Heureusement, comme nous l’avons déjà dit, Mounza finit par donner à M. Schweinfurth un Akka en échange de l’un de ses chiens. Le pauvre Nsévoué mourut à Khartoum lors du voyage de retour; mais pendant dix-huit mois notre voyageur l’avait eu sans cesse sous les yeux et avait pu le soumettre à une étude attentive. Il avait réussi à l’apprivoiser complètement en flattant ses goûts et en