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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/268

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une surprise qui n’avait rien de joué, et je me hâtai d’ajouter, tout éperdu : Voilà ce que madame la comtesse veut me dire !

Elle quitta vivement la fenêtre en me faisant signe de la fermer, et elle entra chez moi par la porte vitrée, qu’elle referma derrière elle. — Vous avez compris, me dit-elle avec feu. Je pensais à l’autre, à celui que vous aviez adopté alors que son père le repoussait et que sa mère désespérait de le retrouver. Charles, vous l’aimiez, je le sais ; pourquoi l’avez-vous abandonné ?

— Je l’ai abandonné, répondis-je, le jour où j’ai su qu’on vous l’avait rendu.

— Rendu ! Hélas ! je l’ai revu pour le quitter aussitôt, et je ne puis le voir que rarement et en secret. Vous savez bien cela, puisque vous avez deviné…

— Je n’ai pas deviné, madame, je sais…, je sais tout. Votre fils n’a plus besoin de moi.

— Vous savez tout,… et M. le comte ?

— Il ne sait rien.

— Vous me le jurez sur l’honneur ?

— Et sur la tête de Roger.

— Je vous crois, Charles, oh ! je vous crois ! J’espérais que M. de Flamarande se doutait de la vérité et que je devais quelque chose à sa tolérance. Il persiste donc à m’accuser, car, pour agir comme il l’a fait, il faut qu’il m’outrage dans sa pensée. Je sais bien que cela est. Il me l’a assez fait entendre sans jamais me permettre de protester. Voyons,… le moment est venu, vous seul pouvez me dire la vérité, je veux la savoir. Suis-je accusée d’avoir cédé à la violence ou à la séduction ?

Elle parlait avec une assurance de fermeté qui m’ébranla, et je craignis qu’elle ne m’arrachât tous mes secrets. — Je supplie madame la comtesse, répondis-je, de ne pas m’interroger en ce moment où je me sens très abattu, un autre jour…

— Comme vous voudrez, reprit-elle. Ne parlons pas de moi, parlons de vous. Je vous vois très malade en effet, et par une cause toute morale que je crois deviner. Vous me savez informée des événemens de Sévines, et vous croyez que je ne vous pardonne pas le désespoir que vous m’avez causé. Eh bien ! je vous l’ai pardonné absolument aussitôt que j’ai su par la Niçoise les soins que vous avez eus pour mon pauvre enfant ; c’est elle qui a raconté comment, elle et vous, vous vous étiez prêtés à l’enlèvement pour éviter quelque chose de pire. C’est elle qui nous a révélé la déclaration de M. de Flamarande, que vous lui avez montrée. Vous l’aviez exigée, cette déclaration, elle aussi a voulu en avoir connaissance. Vous l’avez toujours… Je ne vous la demande pas, elle est dans vos mains, je suis tranquille. Vous ne m’accusiez pas, vous ! vous saviez, vous di-