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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/527

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de Velasquez. Partout où le catholicisme pénètre, son jaloux protecteur le suit et s’installe en maître ; il n’a garde de manquer à ce rendez-vous du monde chrétien ; il quitterait plutôt son cher Escurial. Le voilà, livide et l’œil atone, dans son rigoureux costume de deuil,

Pâle en son noir pourpoint, la toison d’or au cou,


tel que chacun l’a vu en Espagne, en Italie ou en Belgique, guettant dans un recoin sombre de quelque église les libertins suspects au tribunal de la foi ; mais ici, comme pour narguer le terrible personnage, voici les papas et les archimandrites qui emplissent le chœur, faisant monter jusqu’à lui leurs chants schismatiques, psalmodiés sur un registre monotone. C’est l’heure affectée aux cérémonies orthodoxes, heure impatiemment attendue, jamais devancée, car la moindre infraction au règlement serait le signal de luttes sanglantes. Dès qu’elle est expirée, les Turcs, accomplissant leur humiliant et nécessaire ministère, referment les lourds vantaux du portail en poussant sur le parvis les fidèles attardés, ainsi que des écoliers qui auraient outre-passé le temps de leur récréation. En voyant se développer entre les piliers la procession grecque, je m’esquive comme il sied à un pauvre Latin.

Que de monumens chrétiens nous appellent encore au sortir du a grand sépulcre, » que de ruines vénérables, sans parler de la savante restauration de l’église Sainte-Anne, due à notre habile architecte M. Mauss ! Je les abandonne à de plus autorisés pour remonter la Voie-Douloureuse, artère principale de la ville, et les stations qui rappellent les défaillances du Christ ; nous nous arrêtons un peu avant le Saint-Sépulcre, nous franchissons l’enceinte du couvent copte et abyssin, adossé au chevet de la cathédrale. Dans les cactus et les figuiers qui croissent devant leurs cellules misérables, semblables aux cabanes en pisé des bords du Nil, circulent des fellahs, des Nubiens, des Abyssiniens, descendant toute la gamme des tons noirs, depuis l’olive jusqu’à la suie, que le soleil s’est plu à graduer du Caire à Gondokoro. Il ne tient qu’au voyageur, en pénétrant dans cette cour, de se croire transporté sous le tropique. Les moines coptes, enveloppés dans leurs sarraux de cotonnade bleue, font penser à leurs ancêtres de la Thébaïde. Ces chrétiens de l’Ethiopie et du Soudan, ces religieux à face nègre, ont de temps immémorial leurs autels et leurs privilèges au Saint-Sépulcre, où toutes les formes de la foi doivent être représentées.


16 décembre.

Nos promenades dans les sanctuaires et dans les ruines nous apprennent la ville du passé ; nos visites à leurs habitans nous