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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/629

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Ahmed-bou-Zerma, ex-guide de M. Duveyrier, pour le conduire à Ghat. Au départ de Tougourt, la route paraissait libre : Bou-Choucha venait de se diriger, disait-on, sur In-Çalah.

Pour des Français, les voyages de découverte au Sahara sont accompagnés des mêmes dangers que les explorations dans l’Asie centrale par les Anglais, il y a peu de temps encore. Ces dangers proviennent, comme là-bas, de causes politiques et religieuses qui se confondent dans leurs effets. Sorti de ses possessions, il est impossible au voyageur français d’échapper aux conséquences de sa nationalité. Il ne peut se dispenser, dans le sud, de s’occuper de politique, c’est-à-dire de scruter l’état des esprits et d’étudier les conditions qui peuvent le modifier en bien comme en mal. Outre les luttes de race à race qui se raniment de temps en temps et ferment les routes des pays qui en sont le théâtre, on voit fréquemment dans le sud se produire des luttes politiques et des actes de brigandage que les opinions religieuses attirent surtout aux voyageurs chrétiens.

M. Dournaux-Duperé se mit donc, avec M. Joubert, en route pour Ghadamez, où il parvint sans encombre. De cette ville sont datées les dernières nouvelles qu’on ait reçues des malheureux voyageurs ; ils en partirent le 12 avril 1874, et le 19 ils étaient assassinés en route. Voici les renseignemens qu’a transmis sur ce funeste événement M. Delaporte, notre consul à Tripoli. MM. Dournaux-Duperé et Joubert, accompagnés d’un domestique arabe qui avait servi dans les spahis, d’un guide et de quelques chameliers, étaient parvenus à sept journées de marche de Ghadamez lorsqu’ils furent rejoints par une troupe de sept Chambâa qui demandèrent à les accompagner. M. Duperé y consentit, et on se remit en marche. Tout à coup les Chambâa, profitant d’un moment d’inattention des voyageurs, se précipitèrent sur MM. Joubert et Duperé, ainsi que sur Ahmed. En un instant, ces trois infortunés furent jetés à terre, percés de coups, dépouillés. Les chameliers loués à Ghadamez par les voyageurs avaient été témoins de ce meurtre ; considérés comme neutres par les brigands, ils furent épargnés. Revenus à Ghadamez, ils informèrent le gouverneur de la ville, et M. Delaporte dressa l’inventaire de la caravane. Quant aux Chambâa, ils s’étaient réfugiés chez les Touaregs-Ahaggar, avec lesquels ils étaient de connivence.

Ce crime resta d’abord impuni. Comment atteindre au fond des déserts les assassins ? L’hostilité était d’ailleurs si grande contre les deux voyageurs qu’un parti de Touaregs-Ahaggar s’était mis à leur poursuite quand ils eurent quitté Ghadamez ; ces Touaregs apprirent en route que d’autres s’étaient chargés d’exécuter leurs desseins.