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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/650

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tant qu’on espérait trouver sur la partie la plus apparente des champignons comestibles tous les élémens de leur reproduction ; mais la question s’étend et change de face dès que, profitant des découvertes toutes récentes, on cherche sur le mycélium lui-même les organes de la génération sexuée de ces êtres polymorphes. Ici nous touchons à des problèmes délicats et profonds dont la solution, même imparfaite, est un vrai titre de gloire, pour la cryptogamie contemporaine, et confirme avec éclat la théorie si féconde de la génération alternante.

Depuis que Micheli a fait connaître chez les agarics la poussière qui constitue les spores de ces champignons, c’est sur les lamelles occupées par ces spores que l’on s’est évertué à chercher les organes mâles dont beaucoup jugeaient la présence nécessaire pour une fécondation présumée. Peine inutile, car ces spores, placées quatre à quatre sur les quatre cornes d’une cellule qui leur sert de piédestal, ne sont pas des graines dans le vrai sens du mot : les graines véritables (nommées oospores, graines-œufs, chez les cryptogames) résultent toujours du concours de deux élémens sexués, c’est-à-dire d’une fécondation. Or les spores des lamelles des agarics ne sont jamais fécondées ; elles ne multiplient la plante qu’à titre de propagules, de cellules vraiment agames, répondant dans l’évolution générale de l’espèce à la génération gemmipare par cellules isolées. S’il existe de vraies graines chez les agarics, il faut donc les chercher ailleurs que sur la portion la plus apparente de ces plantes, celle qui pour les gens du monde la constitue en entier, savoir le chapeau avec ses lamelles, le pédicule ou pied avec ou sans collerette. Qui sait si les sexes de la plante n’abriteraient pas dans le mycélium souterrain leurs amours furtives ? L’histoire, on dirait presque le roman de la vie évolutive des fougères, ne donnait-elle pas à cet égard un avant-goût des étrangetés, des bizarreries sous lesquelles la nature semble s’être complu à dissimuler les noces des cryptogames ? N’avait-on pas vu les prétendues graines de ces belles plantes, si visibles à la face inférieure de leurs frondes, tomber sur le sol humide, s’y développer en une petite lamelle de tissu vert où se dissimulent les organes microscopiques répondant aux pistils et aux étamines des plantes supérieures, et produisant les vraies graines d’où s’élève par une véritable germination une fougère nouvelle ? Des alternances analogues entre les spores (propagules non sexués, terme agame de l’évolution alternante) et les oospores (graines fécondées, terme sexué de cette même évolution) étaient connues chez les cryptogames supérieures, chez des algues, même chez des champignons ; on les soupçonnait chez les agarics eux-mêmes, et c’est en effet chez des espèces de ce genre que les