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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/727

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FLAMARANDE.

— Pas possible, monsieur le comte, on a besoin de moi chez nous.

— Tu dis toujours ça !

— Parce que c’est la vérité.

— La vérité, c’est que tu ne peux pas vivre un jour sans Charlotte.

— Ça, c’est encore vrai.

— Allons, adieu !

— Pour longtemps sans doute, dit Gaston d’un air triste.

— Non, répondit Roger. Je reviendrai avant trois jours. M. de Salcède m’a dit que sa maison était à mon service. Je ne serai pas fâché de courir le pays avec lui.

— Et de chasser ? Vous aimez la chasse ?

— Oui, mais je n’aime pas à porter mon fusil. Nous trouverons bien un gamin…

— — Je vous le porterai, moi, dit joyeusement Gaston.

— Allons donc ! Et moi avec peut-être ?

— Et vous avec, si vous êtes las.

— Dis-moi donc, reprit Roger, qui lui tenait la main et le regardait en face, est-ce exprès que tu prononces charabia ce matin, quand j’ai vu que tu parlais français mieux que moi ?

— Non, ça n’est pas exprès. J’ai l’habitude des deux manières, et je parle comme ça me vient.

La voiture de la comtesse arrivait, madame vit les deux frères se serrer la main en se séparant ; puis Gaston repassa près d’elle en soulevant son chapeau, et ils échangèrent un regard d’amour dont je compris bien l’éloquence.

Je voulus monter auprès de Pioger pour guetter quelque moment d’expansion. — Non, me dit-ii, cette voiture est assez chargée, va dans l’autre. — Il ne me parla plus jusqu’à Montesparre. Évidemment il était aux prises avec le problème. Il avait des soupçons étranges. Quelle circonstance avait donc pu les faire naître ? Était-ce seulement le cri échappé à sa mère dans la chapelle ?

En route et à l’arrivée, il fut gai devant elle comme de coutume ; mais je le trouvais rêveur, et j’aurais voulu le servir comme à Flamarande pour être à même de surprendre ses pensées ; malheureusement son domestique l’attendait là, et le décorum ne me permettait pas, à moi admis à la table des maîtres, de reprendre mes anciennes fonctions de valet de chambre auprès de mon cher enfant.

LXVI

Je trouvai Montesparre bien changé. Cette riante maison, pleine autrefois des sons de la musique de danse et des fanfares de la