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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/769

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Nouvelle-Orléans semblait justifier ces espérances. Dans la contrée basse et marécageuse qui s’étend au sud de cette ville, le Mississipi, pareil au Nil et aux fleuves de la Hollande, coule sur un dos d’âne sans cesse exhaussé par ses propres alluvions, et les levées naturelles qui l’encaissent au loin dans la mer donnent à son embouchure l’aspect d’une suite de promontoires, qui trompa les premiers explorateurs du golfe du Mexique. Les eaux du fleuve ont, dans tout le delta, une grande profondeur : on n’y rencontre aucun de ces bancs de sable qui en rendent si dangereux le cours supérieur ; mais, au-dessous de la Tête-des-Passes, au point où chaque branche verse ses eaux dans la mer, il s’est formé, comme à l’embouchure de tous les grands fleuves, des barres difficiles où il n’y a que trois ou quatre brasses d’eau. La Nouvelle-Orléans est située sur la rive gauche, à 160 kilomètres au-dessus de ces embouchures ; mais elle est séparée par quelques kilomètres seulement de la baie du Lac-Borgne, où se jettent, par de nombreux canaux ou bayous, pour employer le terme local, les eaux que les levées du fleuve laissent échapper. On ne peut cependant attaquer la ville de ce côté, parce que le Lac-Borgne n’a pas de profondeur, et qu’entre ses rives et la levée sur laquelle est assise la Nouvelle-Orléans s’étendent de vastes et impraticables marécages. Quelques ouvrages de peu d’importance suffisaient largement à couvrir la ville derrière ces marais. Les forts Jackson et Saint-Philippe, qui défendaient le cours inférieur du fleuve et commandaient les véritables approches de la grande cité du sud, sont situés à 60 kilomètres environ au-dessus des passes du Mississipi. Le fort Saint-Philippe, sur la rive gauche, a été fondé par les Espagnols, et avait été récemment reconstruit par un officier du génie fédéral, le capitaine Barnard, placé depuis à la tête de son arme dans l’état-major de Mac-Clellan. Le fort Jackson, qui avait reçu le nom du défenseur de la Nouvelle-Orléans, se trouvait en face, près de l’emplacement de l’ancien fort Bourbon. Le ministère de la guerre à Washington avait naturellement des plans détaillés de tous ces ouvrages, et Barnard avait fourni un mémoire sur celui qu’il avait reconstruit et que ses camarades étaient chargés de prendre.

Les autorités confédérées se croyaient invulnérables de ce côté : elles ne songeaient à protéger la Nouvelle-Orléans que contre un ennemi descendant le Mississipi ; c’est à Columbus, à l’île n° 10, au fort Pillow, qu’elles prétendaient défendre la capitale du golfe du Mexique. Lorsqu’en octobre 1861 le général Lowell remplaça Twiggs dans le commandement de la Louisiane, il se trouvait absolument sans ressources. Les régimens levés dans le pays étaient allés guerroyer ailleurs, les arsenaux étaient vides, les forts à peine armés, les navires de guerre en construction sur le fleuve encore