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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/851

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ramena en Norvège. La ville de Vienne a fait à ces braves marins et à ces savans dévoués un accueil enthousiaste ; cette réception honore à la fois ceux qui l’ont méritée et ceux qui payaient ainsi la dette de la science et de l’humanité tout entière. L’une et l’autre profiteront des travaux de ces intrépides voyageurs, dont le dévoûment n’a pas reculé devant les ennuis, les fatigues, les privations et les dangers inséparables d’une mission comme celle qu’ils s’étaient volontairement imposée.


II. — ANCIENNE EXTENSION DES GLACIERS.

Il y a trente-cinq ans, lorsque Charpentier, Agassiz et leurs collaborateurs soutenaient quee les glaciers de la chaîne des Alpes étaient descendus vers le nord, dans les basses vallées de la Suisse, et avaient pénétré dans le Jura, tandis qu’ils s’étendaient vers le sud dans les plaines du Piémont et de la Lombardie, un sourire d’incrédulité accueillit cette affirmation téméraire, qui était en opposition formelle avec les traditions les plus sacrées de la géologie officielle. Tous les maîtres de la science, — Constant Prevost, de Humboldt, d’Omalius d’Halloy et Charles Lyell exceptés, — condamnaient sans appel les novateurs, mais se gardaient bien d’aller contrôler dans les Alpes les faits qu’ils avaient signalés. Aujourd’hui personne ne conteste plus l’ancienne extension des glaciers alpins, et même on reconnaît que les limites assignées par les premiers observateurs étaient beaucoup trop restreintes. Nous savons, par les études persévérantes de MM. Lory, Benoit, Chantre et Falsan, que les glaciers des Alpes franchissant le Jura descendaient jusqu’au Rhône entre Lyon, Vienne et au-delà. Une association s’est formée en Suisse, en Savoie et en France pour assurer la conservation des blocs erratiques, témoins et monumens de cette ancienne extension. Ne méritent-elles pas en effet d’être classées à l’instar des monumens de l’art, ces pierres gigantesques transportées du haut des Alpes jusque dans les plaines des pays environnans ? Bien autrement anciennes que les dolmens et les pierres levées des druides, avec lesquels on les a souvent confondues, elles sont les témoins muets d’une époque géologique circonscrite aujourd’hui dans les régions circumpolaires du globe. Bientôt les géologues suisses pourront délimiter avec la plus grande rigueur les domaines respectifs des différens glaciers qui ont envahi leur pays : chacun d’eux en effet charriant des blocs de nature diverse, il est facile de les suivre pas à pas quand on sait à quel massif appartient la roche qui les a fournis. C’est ainsi que l’euphotide ou gabbro, qui n’existe que dans la vallée de Saas en Valais, caractérise le domaine du glacier du Rhône, et, comme cette roche