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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/97

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les villes de garnison pour la construction des casernes. Ce que les départemens de l’est viennent de faire pour le canal qui les traverse peut se renouveler en d’autres régions de la France, sauf à modifier suivant les circonstances le taux et la durée de l’amortissement. Ainsi s’exécuterait assez rapidement le vaste réseau de voies navigables que nous avons esquissé sans que le budget en fût trop surchargé. Le concours des intéressés, départemens, villes ou particuliers, démontrerait au surplus de la façon la moins équivoque que les travaux projetés sont vraiment utiles. Ce serait une garantie contre les entraînemens et les influences qui prédominent trop souvent en pareille matière. Les canaux, demeurant propriété publique, seraient ouverts à tous contre paiement d’un péage modéré; ils deviendraient, comme on le désire, un frein contre le monopole des chemins de fer, dans les contrées où ceux-ci abusent de leur privilège; ailleurs ils suppléeraient à l’insuffisance des railways, dont les industries de transport se plaignent parfois avec raison.

La construction des chemins de fer aura été sans contredit la grande œuvre du XIXe siècle. La génération présente s’est vouée à cette immense entreprise avec une ardeur que justifiait bien l’utilité de ce précieux instrument. Pour les voyageurs, pour les marchandises de valeur, pour l’approvisionnement quotidien des villes, rien ne saurait remplacer les chemins de fer. En est-il de même pour les marchandises encombrantes? Il est clair que cela n’est pas, puisque les canaux s’en chargent à un prix moindre de moitié. Pour faire voir ce que sont ces matières encombrantes, ne citons que les houilles, les minerais et les matériaux de construction; quiconque sait quelles masses sortent en France des mines et des carrières comprendra quel est le rôle économique des voies navigables. On ne peut mieux terminer ce qui vient d’être dit qu’en citant les dernières phrases du plaidoyer que M. Krantz a écrit en faveur des canaux : « Ainsi, malgré la révolution économique amenée par l’invention des chemins de fer, les voies navigables apparaissent encore de nos jours comme l’instrument par excellence pour le transport des matières encombrantes. Puissance presque indéfinie, services à bas prix, elles se recommandent par ces précieuses qualités, et aussi par ce fait qu’elles ne sauraient porter à la prospérité actuelle des chemins de fer d’irrémédiables atteintes. »

La France se laissera-t-elle devancer par d’autres nations dans les travaux de canalisation? Non-seulement son industrie en souffrirait, car les transports à bon marché sont l’un des élémens essentiels des grandes opérations commerciales; bien plus, ce serait un aveu d’insouciance ou d’incapacité, puisque nul territoire n’est aussi propice que le nôtre à la navigation intérieure. Où trouver