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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/208

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propre de grand état policé ; le mouvement commercial dépasse deux milliards et demi. Quand on demandera à la race humaine, dans la vallée de Josaphat, ceux qui ont le mieux gouverné le monde et donné à l’homme le plus d’orgueil de sa condition, je crois bien que les morts de la vieille Angleterre se lèveront les premiers. Les nôtres seront déjà debout, parce que le juge aura appelé d’abord ceux qui ont le mieux éclairé ce monde et lui ont adouci la peine d’exister.

Je me suis promis d’être bref sur les sections étrangères. Nous devons un accueil courtois et des remercîmens cordiaux aux exposans qui ont répondu à notre appel malgré la consigne ; si l’on poussait les comparaisons entre eux et les nôtres, il faudrait faire entendre des vérités fâcheuses à quelques-uns ; il faudrait constater la décadence irrémédiable du goût sous certaines latitudes. Ce serait mal répondre à un empressement que les circonstances ont rendu très méritoire. Je me bornerai à quelques complimens sincères. Il en faut adresser à presque tous nos rivaux, comme à nous-mêmes, pour les progrès de la céramique. Jamais on n’en avait tant fait, jamais on ne l’avait si bien faite. Le développement universel de cette belle industrie est l’un des traits saillans de l’Exposition de 1889. Notre siècle finissant demande aux potiers d’égayer ses derniers regards ; et par ce côté encore il revient aux origines, à l’un des premiers arts où s’essayèrent les hommes, à celui où excellaient les anciennes civilisations. Il semble que la terre émaillée sous toutes ses formes, depuis la porcelaine jusqu’aux laves et aux carrelages, se prépare aux destinées brillantes qu’on lui promet dans la décoration intérieure et extérieure de nos maisons. Les artistes qui la travaillent renouvellent leurs procédés, leurs dessins, leur palette, à Paris et dans nos fabriques provinciales, comme à Londres et à Minton. Le Danemark mérite une mention spéciale, pour ses camaïeux où les paysages nationaux sont rendus avec tant de charme et d’originalité. Je voudrais pouvoir en dire autant des colorations violentes qu’on affectionne à Vienne et à Pesth. En Belgique, où l’on est las apparemment de s’entendre reprocher la contrefaçon des modernes, un fabricant refait dans la perfection les faïences à fleurs de Rhodes et d’Asie-Mineure. Les Hollandais maintiennent les glorieuses traditions de Delft avec ces plaques à grands sujets, si gaies et si franches de ton. Elles ne se trouvent pas, le croiriez-vous, chez M. Van Houten, qui nous guette à tous les recoins de l’Exposition avec son cacao, qui enrégimente au service de cette denrée les Frisonnes joufflues et les maigres Javanaises, et qui a vraiment le cacao encombrant.

Avec la céramique, l’orfèvrerie est l’industrie d’art la mieux représentée chez tous les peuples, celle où se marque le plus