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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/380

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membres de l’Académie des inscriptions ; mais, bien qu’il n’eût pas jusqu’alors officiellement appartenu à l’Académie des Beaux-Arts, il se trouvait depuis plusieurs années déjà en commerce habituel avec elle par le concours officieux qu’il prêtait à ses travaux, notamment à la préparation de son Dictionnaire, et cette collaboration aussi active qu’éclairée lui avait acquis des droits à la reconnaissance de tous. À un certain moment même, l’Académie avait voulu se l’attacher de plus près encore en inscrivant son nom parmi ceux des candidats qu’elle jugeait les plus dignes de composer cette section de Théorie et d’histoire de l’art, dont l’existence d’ailleurs devait être si courte. M. Quatremere de Quincy eut-il dès le premier moment le pressentiment de cette fin prochaine ? Royaliste de longue date, et royaliste plus profondément convaincu que jamais sous le gouvernement des cent jours, craignit-il de paraître se démentir en acceptant une place dans une fondation d’origine illégitime à ses yeux ? Toujours est-il qu’il se déroba courtoisement, mais résolument, aux offres qui lui étaient faites, et qu’il y répondit par une lettre où l’un de ses anciens confrères de l’Académie des inscriptions a pu voir avec raison « un chef-d’œuvre d’habileté, de délicatesse et de bon goût[1]. » Voici cette lettre, écrite le 15 mai 1815, par conséquent à une époque où Lebreton était encore en fonctions :

« Monsieur le secrétaire perpétuel, associé depuis longtemps, par une faveur spéciale de la classe, aux travaux de théorie dont elle est chargée, j’ai dû regarder comme une grâce surabondante de sa part l’admission de mon nom sur la liste des candidats à la section d’histoire et de théorie des arts qui va se former dans son sein. J’en ai fait de sincères remercîmens à plusieurs des membres de la classe, et je crois que ce m’est un devoir d’en témoigner ma reconnaissance à la classe entière. Toutefois, quoiqu’il ne me convienne ni de pressentir ses déterminations dans le choix qu’elle va faire, ni de lui présenter aucune considération personnelle, j’ose prendre la liberté de lui faire connaître qu’il n’y a point de faveur nouvelle qui puisse dorénavant ou augmenter mon zèle pour ses travaux ou ajouter aux témoignages de la bienveillance dont je me trouve comblé ; qu’ainsi la classe, en faisant tomber ses suffrages sur des candidats jusqu’ici moins favorisés par elle, accroîtrait ses richesses sans diminuer en moi les sentimens d’estime, d’attachement et de reconnaissance qui me lient à elle pour toujours. »

  1. M. Guigniaut, Notice historique sur la vie et les travaux de M. Quatremere de Quincy, lue dans la séance publique annuelle de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, le 5 août 1864.