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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/387

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l’aventure, ne songeaient qu’à prendre en quelque sorte un chemin de traverse et d’un accès relativement facile pour essayer d’arriver à Rome, sans avoir eu à surmonter les obstacles qui les eussent infailliblement attendus à l’entrée même de la grande route. Paul Delaroche, alors élève de Gros, était, soit dit en passant, un de ceux-là. Il échoua d’ailleurs, heureusement pour lui et pour l’avenir de son talent. Ce fut Michallon qui sortit vainqueur de la lutte, mais pour profiter pendant bien peu de temps des fruits de sa victoire, puisque, en 1882, presque au lendemain de son retour de Rome, il succombait, à peine âgé de vingt-six ans[1].

À l’époque même où l’Académie s’occupait de régler les conditions du concours de paysage, ou pendant les années qui suivirent, il lui était arrivé fréquemment, sur l’invitation du ministre de l’intérieur, de donner son avis ou de fournir des programmes à propos de monumens en cours d’exécution déjà ou encore à l’état de projets, — depuis le Tombeau de Bossuet dans la cathédrale de Meaux et une Fontaine monumentale à Perpignan, jusqu’aux peintures destinées à la décoration de l’église de la Madeleine, à Paris. Elle avait en outre, conformément à la demande officielle qui lui en avait été faite, signalé au ministre, parmi les peintures et les sculptures exposées au Salon de 1817, les ouvrages les plus dignes d’être acquis ou récompensés au nom du roi : les tableaux d’histoire, entre autres, peints par AIM. Abel de Pujol et Couder, et un tableau « de genre secondaire, » — pour employer les termes mêmes du rapport, — l’Abdication de Gustave Wasa par M. Hersent[2]. Bref, l’intervention des membres de l’Institut dans tout ce qui concernait l’art national et ses progrès, la dignité ou les intérêts matériels des artistes, avait été, suivant les cas, provoquée ou acceptée par le gouvernement, mais, comme il convenait de part et d’autre, sans préoccupations étrangères aux questions toutes spéciales qu’il s’agissait de résoudre, sans aucune arrière-pensée politique. Jamais, quoi qu’on en ait dit, le concours de la Compagnie dans la direction des affaires de l’art ne fut plus

  1. De tous les paysagistes qui se sont succédé à la villa Médicis, Michallon est celui dont le nom est resté le plus en crédit, tant à cause de la mort prématurée de l’artiste qu’en raison de l’indépendance relative et de certaines aspirations, assez exceptionnelles pour l’époque, de son talent. Le sujet du tableau qui avait valu à Michallon le grand prix de paysage historique était : Démocrite et les Abdéritains. Des ouvrages qu’il produisit ensuite pendant les quatre années de son séjour à Rome comme pensionnaire de l’Académie de France, le plus important et aussi le plus généralement connu est la Mort de Roland, aujourd’hui au Musée du Louvre.
  2. On sait que ce charmant tableau, si habilement gravé par M. Henriquel, a péri dans l’incendie qui, en 1848, anéantit tant d’autres œuvres de l’art moderne réunies au Palais-Royal par le duc d’Orléans, depuis le roi Louis-Philippe.