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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/543

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plus décorative que monumentale, c’est néanmoins, par un ensemble d’habiletés peu communes, une œuvre importante dans l’histoire de notre école, et l’on comprend les espérances qu’elle put faire naître. Le système nouveau n’était d’ailleurs qu’une métamorphose, à la mode antique, du dilettantisme romantique fatigué du moyen âge et de la renaissance. La simplicité, l’observation, le naturel, y tenaient encore trop peu de place pour qu’il en sortit une forme d’art, franche et vivante, correspondant au goût de force et de vérité qui commençait à se réveiller. La plupart des artistes neo-grecs s’enfermèrent et se perdirent, plus ou moins vite, dans la bimbeloterie, l’érudition, la grâce molle et banale. On ne sait ce que serait devenu le plus ambitieux et le plus vaillant de ces nouveaux-venus, Théodore Chassériau, esprit très ardent et très ouvert, comprenant à la fois Ingres et Delacroix, voulant continuer Géricault, qui débuta brillamment par des études antiques pour aborder ensuite les conceptions héroïques. Il mourut à trente-sept ans, en 1856. Sa Défense des Gaules par Vercingétorix, de 1855, dénote un tempérament passionné, des aspirations multiples, une science compliquée, mais une volonté hésitante et qui n’a pas su se fixer encore.


III

La république de 1848, dans sa courte durée, exerça sur les beaux-arts une action assez vive dont les effets devaient être ressentis plus tard. La liberté absolue des expositions accordée aux artistes, la commande faite à M. Paul Chenavard de la décoration historique et philosophique du Panthéon ouvrirent aux artistes des perspectives nouvelles. Le Salon fut, il est vrai, rendu bientôt à la gestion officielle, mais l’organisation en resta extrêmement libérale ; et si les travaux du Panthéon furent interrompus, à la suite du coup d’état, l’idée n’en resta pas moins en l’air pour être reprise, sous une autre forme, vingt-cinq ans après. Dès ce moment, l’ambition, ouverte ou cachée, de presque tous les artistes supérieurs se tourna, comme dans l’ancienne école, vers l’activité publique et décorative. D’autre part, l’agitation des idées démocratiques qui survécut à la république excita, dans des couches plus nombreuses, le désir d’un art plus simple et plus naturel que la fantaisie romantique. C’est alors qu’entre en scène l’école réaliste qui, avec l’appui des paysagistes, durant tout le second empire, poursuit, tantôt sourdement, tantôt bruyamment, son œuvre de siège et d’attaque contre le dilettantisme officiel et mondain.

L’Exposition de 1855, à l’avenue Montaigne, en groupant les