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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/850

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l’Amérique entière en l’englobant dans son tarif protecteur, en étendant à elle et sur elle la théorie de Monroe : l’Amérique aux Américains. Conception gigantesque du sénateur Frye, reprise par M. Maine, et sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir ; conception d’une réalisation douteuse, croyons-nous, et que MM. Lourdelet et A. Prince ont, dans une intéressant et récente brochure[1], signalée à l’attention de l’Europe. Dans la voie où cette race marche à pas rapides, on a peine à la suivre ; à chacune de nos expositions, elle accourt, avec une sympathie dont la France lui est reconnaissante, et aussi avec l’assurance que donne le succès. A chacune elle apparaît plus grande, plus riche et plus prospère, étalant à nos yeux une conquête nouvelle due au génie de ses inventeurs, une richesse déjà connue, mais doublée ou triplée, d’ingénieuses machines allégeant le labeur de l’homme, substituant leurs bras d’acier, qui ne se lassent jamais, et que la vapeur met en branle, aux forces humaines qui s’usent et défaillent. Si l’Europe lui a montré la voie, elle l’a élargie et aplanie ; à cette heure, en plaine roulant, elle nous devance, confiante en l’avenir.

Quand il fut question de l’Exposition de 1889, les États-Unis acceptèrent, des premiers, l’invitation de la France ; 1,250,000 francs furent votés par le congrès ; le gouvernement prit en outre à sa charge les frais de transport des produits ; trente-huit états nommèrent chacun un commissaire spécial sous la direction du général Franklin, commissaire-général ; quinze cents exposans s’offrirent et 8,000 mètres carrés de superficie furent demandés et obtenus. Ils sont bien remplis, et l’exposition américaine a grand air. Non qu’elle ait cherché dans le luxe de son étalage un succès facile, un éclat emprunté ; ces allures de parvenu ne sont pas de mise pour un aussi grand pays, et la simplicité voulue de la décoration, qui consiste en drapeaux des états fédérés, rehausse d’autant la grandeur réelle, la valeur intrinsèque des résultats obtenus et des produits exposés. Il n’est pas jusqu’à l’uniforme sobre, la haute stature, l’allure martiale des soldats de l’armée régulière qui n’impressionnent l’esprit. En parcourant ces vastes travées du Champ de Mars où figurent tant de produits de sols et de climats différens, on se sent chez une grande et riche nation qui, dans tous les genres d’industrie, a fait d’étonnans progrès et peut, sans présomption, se mesurer avec l’Europe. Le vase du centenaire, en argent massif, pesant 60 kilogrammes ; les bijoux de Tiffany, dont

  1. Étude sur le congrès des trois Amériques (Bulletin de la chambre syndicale des nègocians-commissionnaires).