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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/862

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profondes qui, jusqu’à 100 lieues au large, creusent leur lit dans celui de l’Océan et conservent, au milieu de ses flots amers, leur saveur d’eau douce.

Située presque sous la ligne, toute cette partie nord du Brésil abonde en forêts vierges. L’orchidée, que la mode a sacrée reine des fleurs, balance dans les hautes ramures sa tige souple et nerveuse, ses fleurs étranges, aux capiteux parfums, aux couleurs éclatantes, aux calices inquiétans, yeux ouverts qui, dans l’ombre, semblent voir et suivre avec une singulière fixité les mouvemens du chasseur qui, pour les conquérir, pour les vendre à prix d’or aux amateurs passionnés, risque sa vie dans ces forêts hantées de fauves et de reptiles. Bois de construction, de teinture et d’ébénisterie, bois résineux et plantes médicinales, tout un monde végétal à peine connu, tout un monde animal redoutable et curieux croît et se meut dans ces interminables forêts que l’Indien lui-même n’aborde pas sans crainte, où il a peine à se frayer un sentier, et qui recèlent d’incalculables richesses pour la science, l’industrie et le commerce.

De là sont venues ces billes énormes qui attirent l’attention dans le pavillon du Brésil, ces plantes rares et ces collections d’insectes : là s’épanouit cette Victoria Regia qui peut porter sur ses feuilles le poids d’un enfant et dont la floraison centenaire dépasse les limites de notre existence ; de là, aussi, ces singes, ces aras flamboyans, ces oiseaux au plumage varié, ces résines de Latobé, ce caoutchouc de Lacerda. De Bahia sont venues ces conglomérations diamantifères, ces pierres précieuses sorties de l’écrin de la vicomtesse de Cavalcanti, ces diamans et ces émeraudes ; du Rio Grande do Sul, ces minerais d’or, ces agates, ces améthystes et ces cornalines ; de Gandarella, ces marbres ; de Tubarao, ces charbons : puis ces vins et liqueurs, ces tabacs et le café, dont le Brésil produit 180 millions de kilogrammes, la moitié de ce que le monde consomme.

Dans le sud, Rio-Janeiro, capitale de l’Empire, la seconde ville de l’Amérique méridionale, déploie, au fond d’une des plus vastes et des meilleures baies que l’on connaisse, ses palais et ses monumens, ses universités et ses églises, ses quais, ses docks, ses magasins où, chaque année, se vendent pour des millions de pierres précieuses, ses immenses entrepôts où puisent sans relâche les navires du monde entier, greniers de sucre et de café, de cacao, et de tabac, de pierres précieuses et de colon.

Au pied de ses collines, la ville marchande s’étend, longeant la baie, projetant dans l’eau calme et profonde ses quais démesurés comme les bras de Briarée. Sur les hauteurs, noyées dans la verdure des palmiers, les riantes villas aux couleurs harmonieuses dominent la baie majestueuse, semée d’îles, et le port affairé où